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L’enfant et le papillon

4/03/2025 | Livres jeunesse | 2 commentaires

L’enfant et le papillon
et autres histoires
Jacques Koskas
Illustrations supervisées par Elisabeth Boutevin
Vivaces Jeunesse (2025)

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

Jacques Koskas : L’enfant et le papillon  De lumineux poèmes narratifs

D’emblée, l’album, L’enfant et le papillon et autres histoires de Jacques Koskas (1), transporte les jeunes enfants dans un univers onirique, coloré, lumineux. Son format souple et maniable idéal pour de petites mains facilite la découverte des histoires et des illustrations poétiques. Sur la couverture, regard tourné vers la droite, un garçonnet juché sur un papillon aux ailes chatoyantes, s’envole vers un lointain ailleurs de rêve et de magie grâce aux captivants poèmes narratifs de Jacques Koskas.

Un camaïeu de bleu et un dialogue texte-image

La couleur bleue, symbole de douceur et de paix, couleur de l’éther, domine tout l’objet-livre : tendre camaïeu des signes typographiques, du ciel, des vêtements des personnages et du fond des pages. Le texte à gauche et l’image à droite, – aux personnages, objets, décors soignés et détaillés, chargés d’émotion, – mis en miroir, se répondent harmonieusement, se répètent, s’associent, instaurant tout de suite un rapport affectif avec l’enfant. Les illustrations  « générées par les Imaginaires Anonymes », clin d’oeil humoristique, donnent à voir le texte et montrent que l’IA peut aussi avoir des fonctions positives. Les quinze histoires à l’écriture limpide, sensible et esthétique embarquent dans un monde de douceur, loin de tout manichéisme. Seul Le clown révèle une angoisse ténue lorsque la fillette regardant l’artiste faire des cabrioles éprouve de la crainte pour lui : « Il fait des cabrioles / il glisse / Il tombe sur la tête / La petite fille se cache les yeux ».

Des textes portés par le rythme de l’écriture et la douceur des images

La mise en page joue avec l’espace irradié de blancs (bleus !). Ce sont des poèmes jouant sur les rythmes et les refrains, tissant des distiques et des quatrains, sans rimes, aux vers de longueurs inégales, souvent terminés par une chute qui résonne en point d’orgue introduisant au rêve et à la fantaisie : la toupie se métamorphose en danseuse tourbillonnante (« Maintenant / Au milieu de sa paume ouverte / Virevolte légère / Une danseuse à la robe rouge »), la fillette au château de sable devient la Belle au bois dormant : « Plus que cent ans à attendre ». Les mots, teintés de rêverie, vibrent, évasion poétique, suspendue entre le réel et l’imaginaire.

Un monde transfiguré par l’imagination enfantine

Dessin à l'aquarelle d'une petite fille blonde habillée d'une longue robe rose qui chuchote dans les oreilles d'une poupée à la peau marron. Le monde proposé est vu à travers les yeux et l’imagination des enfants qui transfigurent le réel. Le caniveau du poème Le bateau se change en fleuve dans l’esprit du garçonnet (« A nouveau, il pose son bateau dans les remous du fleuve »), la petite fille sautant à la corde imagine qu’elle s’envole au-dessus de l’école (« Et la petite fille s’amuse de voir tout en bas / La cour de l’école si petite, si petite »). L’orage (Le petit nuage) est la métaphore d’une famille grondeuse toutefois unie par la tendresse : « A son arrivée, papa gronde de colère / Les yeux de maman jettent des éclairs »). Le vocabulaire hypocoristique  (« papa », « maman »… ), la personnification des éléments, apaisent toute crainte liée à l’orage (« Les papas gonflent leurs grosses joues / Les mamans enflamment leurs bâtons de foudre »).Les deux derniers poèmes du recueil, quant-à eux, s’ouvrent sur un autre point de vue et sur le souvenir : un homme âgé retrouve l’enfant qu’il fut et regarde le monde avec les yeux du passé, revivant avec émotion les instants de son enfance : « Dans le ciel bleu, un gros soleil jaune / Réchauffe son visage de grand-père souriant », (La maison), « Si vous passez par là / Caressez l’empreinte du papillon sur le bois du lit / En souvenir du petit garçon », (L’enfant et le papillon). Le passé évoqué avec nostalgie n’a pas disparu, il demeure ancré en lui. Ce passé se retrouve aussi dans certaines illustrations émouvantes et belles (La poupée, Le miroir) qui rappellent celles des années cinquante des Martine de Marcel Marlier plongeant les lecteurs grands-parents dans leurs souvenirs d’enfance

Un ouvrage enchanteur pour petits rêveurs

L’enfant et le papillon, magnifique ouvrage, déploie avec délicatesse des  histoires empreintes de tendresse et de poésie. Son écriture sensible, lumineuse et belle, ses images colorées, joyeuses et esthétiques invitent à la rêverie et à l’émerveillement. Voyage au pays de l’imaginaire, il enchante les enfants : je l’ai vu illuminer les yeux de ma petite Cassandre de cinq ans, qui, émerveillée, l’a serré contre son cœur et emporté comme un trésor.

(1) D’autres ouvrages de Jacques Koskas :

2 Commentaires

  1. Jacques Koskas

    Merci Annie. Votre chronique me fait chaud au cœur et m’encourage à poursuivre dans cette activité solitaire mais vitale pour moi.
    Vous avez la bonté de qualifier ma modeste écriture de poésie. Je ne sais si ces louanges sont méritées, mais elles m’honorent venant d’une spécialiste de la littérature, comme vous.
    Pour cet ouvrage, destiné aux jeunes enfants, j’ai utilisé l’IA pour les illustrations. Je crois que le résultat est plutôt convaincant. Je renouvellerai cette « association » sur un autre projet d’album, pour des enfants un peu plus grands, que je prépare actuellement.
    Merci encore, chère Annie. À bientôt.

    Réponse
  2. Annie Forest

    Merci beaucoup cher Jacques Koksas.

    Je me permets d’ajouter ce que vous m’avez précisé dans un message privé concernant la genèse du texte « L’enfant et le papillon ».

    En 1947, le Dr Elisabeth Kübler-Ross visite le « camp de concentration nazi de Majdanek, elle découvre les papillons noirs dessinés sur les murs par les enfants juifs avant de mourir (ce qui selon eux signifiait qu’ils « s’envoleraient », comme une chenille devient papillon) et qui deviendront plus tard les symboles de son travail. Elle déclare alors que c’est cette visite qui l’a convaincue de travailler pour les mourants »

    Cette explication émouvante me permet de comprendre le nuage sombre en haut à droite de l’image du livre. Il signifie le départ de ces jeunes enfants vers l’innommable.

    Réponse

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