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Boire la lumière à la source

4/05/2023 | Livres | 5 commentaires

Boire la lumière à la source
Parme Ceriset
Editions du CYGNE (2023)

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

Parme Ceriset : Boire la lumière à la source  Une mise en vers de l’univers intérieur de Parme Ceriset

 Boire la lumière à la source :  d’emblée, concrétion essentielle des textes, véritable promesse, le titre du dernier recueil poétique de Parme Ceriset, tissant l’eau et la lumière,  annonce une nouvelle mise en vers de son univers intérieur dans des poèmes dépourvus de titres, libérés des contraintes métriques,   investis par un bouquet d’ images, par un ruissellement de métaphores esthétiques, d’hypallages aériennes colorées et parfumées. Véritable alchimiste,  dans un flot émotionnel perpétuel, Parme Ceriset réalise la fusion des éléments dans une quête de la Beauté et de la jouissance de la Vie : « Humer dans les jardins de l’aube / les nuées infusées d’or / et l’éternité distillée / dans les fragrances végétales / de thym et de menthe citronnée ». Tous les éléments naturels sont liés dans des  rapports synesthésiques tricotant les sensations visuelles, olfactives, auditives, tactiles, kinesthésiques. Ses émotions et ses sensations induites par l’intensité du présent, ses états d’âme, sa vision du monde deviennent poèmes, accédant à une sorte d’essence  révélatrice de son enthousiasme,  de son énergie de vivre, de sa sensualité : « Marcher dans les champs qui s’éveillent / / aux premiers rayons ardents, / s’élancer, courir, cueillir un brin de ciel, / dévorer l’été transparent (…) » . Sa sensibilité puise sa sève dans la nature végétale et animale, dans le cosmos, dans un présent intemporel. Parme Ceriset,   en osmose avec l’univers (« S’évaporer dans l’air du soir, / n’être plus qu’une étoile fondue à l’univers, / un parfum de fruit dilué dans l’éther, / un rêve dans un océan d’espoir »),  donne tout un halo à ce qui l’entoure. La nature et le cosmos enveloppés par des jeux de  lumière pure « l’éclat limpide des cieux »,  filtrée par « l’eau vive », par  « l’eau sauvage qui les éclaire… », par l’eau vivante, deviennent bijoux : « Dans le lit des rivières et dans les oasis / et sur les océans  en parure fougueuse / qui s’éclaire  au couchant de nuances d’or fin (…) », «Les rayons d’or ouvrent déjà leurs grands bras de bonté », « Le jour reviendra dans les vagues de l’aube, / il flambera de tous ses rubis »… Les pierres (le rubis) et les métaux précieux (l’or) sont les signes métaphoriques de la concrétion de la lumière. La nature davantage ressentie que vue, réfléchie par le regard  et l’âme de la poétesse,  devient œuvre d’art, tableau  aux lumineuses couleurs, dans une espèce de gommage du réel  procuré par  des métaphores, des pluriels déréalisants (« les « ciels roses »), des alliances du concret et de l’abstrait : « le miracle bleu de l’aube », « cueillir un brin de ciel ». 

 L’éphémère

 Seul celui qui, comme la poétesse, a connu la douleur,  a côtoyé la mort,  espèce de faire-valoir de la vie (« A celui qui revient de l’apocalypse / chaque grain de soleil est émerveillement, / chaque pas est victoire sur l’éphémère ») est conscient de sa fugacité  (« Je fus soudain envahie / par l’insupportable prise de conscience de sa nature / mortelle » : l’adjectif « mortelle » étant isolé, mis en valeur entre deux distiques) et peut vraiment appréhender cette beauté ineffable de la nature et de l’existence. Chaque instant fugitif est alors une renaissance : « Renaître au chant des cascades, / à la robe immaculée de l’innocence perdue (….), « Renaître aux ciels roses de l’enfance …) », un retour à l’enfance, le « grand Jadis de l’enfance »,  moment où, ébloui par la beauté de la vie,  avec « un regard neuf », on absorbe le monde avec authenticité et fougue, sans l’investir de façon utilitaire.

L’amour de la vie

 Les mouvements de ces poèmes lyriques, où le « je » et le « nous » s’imbriquent,  se superposent à ceux de l’âme et du coeur de la poétesse,   entrent en résonance avec le lecteur.  Ils emportent dans le monde onirique de Parme Ceriset, constamment présente à ses textes, les imprégnant de sa sensibilité,  de son essence et même de son prénom  : « Je t’attendrai sur une étoile qui s’évapore / dans la brume pailletée de l’aube / à l’autre bout des rêves / dans l’or / parme et frais de la rosée vive ».

Ces poèmes cristallisent l’esthétique et indicible  beauté de la vie mais aussi la révolte de Parme Ceriset  contre l’absurdité de la souffrance et de la  mort. Ils nous ouvrent à la sublimité de son imaginaire et à son humanisme. Vaporeux, étincelants,  ils sont en effet également ancrés  explicitement  dans la réalité  la plus sombre : « des ventres grondent et flambent / la famine crie sur les trottoirs ».  Mais toujours et malgré tout la confiance et l’espoir l’emportent.  Avec avidité, sensualité,  la poétesse croque la vie savoureuse (« les brumes sucrées (…) / la saveur brûlante / de l’Eden retrouvé »)  et aromatisée («  (…) les fragrances végétales / de thym et de menthe citronnée »). Le champ lexical de la manducation,   «  dévorer l’été transparent », « (…) un brin de ciboulette / croqué dans un champ », une  constante dans l’imaginaire de Parme Ceriset,  concrétise sa gourmandise de vivre.  La poétesse établit désormais, ce qui est nouveau dans ses textes à l’écriture arachnéenne,  des  analogies entre des aliments autres que ceux procurés par la nature et l’immensité  stellaire, « Parfois les étoiles dorent au soleil de minuit / comme une brioche dans un four paysan », entre l’écriture et des mets : « Sur le pain grillé d’un poème, / écrire en lettres de miel ». Parme Ceriset, qui cultive l’art de la saveur et des senteurs, dont les écrits accèdent à l’essence, se tourne désormais vers les nourritures terrestres façonnées par l’homme.  Tutoyant le temporel et le spirituel, elle échappe au néant par l’intensité de toutes les sensations créatrices de plaisir et de joie.

Le dernier recueil poétique de Parme Ceriset, Boire la lumière à la source, écho à ses précédents ouvrages, célèbre la vie, l’acuité de chaque instant dans des textes d’une fulgurante densité. Dans cet ouvrage, une fois de plus, la poétesse accorde avec talent la pérennité de l’art au réel évanescent et ouvre le lecteur sur l’éternité.

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5 Commentaires

  1. Parme Ceriset

    Merci infiniment pour cette chronique absolument éblouissante, pour la richesse de l’analyse et des ressentis. Vous faites un travail remarquable et très précieux pour les auteurs. Avec mon infinie gratitude.

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    • Annie Forest-Abou Mansour

      C’est de la beauté de vos poèmes que naît l’analyse. Merci à vous Parme.

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  2. BEYLOT

    Merveilleux commentaire qui donne très envie de lire cet ouvrage. Merci Annie

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  3. Françoise Z.

    J ai savouré le recueil de poèmes de Parme Ceriset, et je n ai pas pu m en extraire, c est magnifique!
    Même du néant, de l ombre, les verbes utilisés sont ceux de l action, du mouvement, le néant ce n est pas les portes de l Hadès, c est un sursaut de vie.
    J ai aimé les couleurs, et elle a même utilisé mon mot préféré, indigo.
    J ai aimé cette sensualité qui se dégage dans ses poèmes. On imagine notre propre expérience, elle dit « nos », « nous » parfois comme une invitation.
    Je trouve aussi que ses textes sont spirituels, « l éternité », « l éden », etc.
    En peu de mots, avec des mots simples, elle nous emporte dans son univers, boire à la source de la lumière…
    Elle a affronté la maladie. Elle a désarmé la mort. Elle souffle ses mots.
    J’ ai vraiment adoré. Et de plus, elle ne fait pas de rimes, mais comme cela reste poétique !

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  4. Annie Forest

    Merci chère Françoise pour ce beau commentaire.

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