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Femme d’eau et d’étoiles

14/12/2021 | Poésie | 1 commentaire

Femme d’eau et d’étoiles
Parme Ceriset
Bleu d’encre  (2021)

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

LA BEAUTÉ DU RECUEIL DE PARME CERISET FEMME D’EAU ET D’ETOILES A ÉTÉ RECONNUE PAR LA SOCIÉTÉ DES POÈTES FRANÇAIS : LE PRIX MARCELINE DEBORDES-VALMORE LUI A ÉTÉ ATTRIBUÉ EN 2021 ET REMIS EN AVRIL 2022.

Femme d’eau et d’étoiles de Parme CerisetPour le plus grand bonheur de ses lecteurs, Parme Ceriset est de retour  avec Femme d’eau et d’étoiles, une ritournelle aux accents déjà entendus dans ses autres ouvrages mais tellement émouvants et puissants,  une mise en vers d’un monde personnel inouï et ineffable libérant un lyrisme accédant à l’universel.

 En osmose avec la nature

 L’imaginaire poétique de la narratrice sauvée du néant, évadée du « non-sens », propose, par petites touches impressionnistes,   dans des poèmes délicats et sensuels une plongée dans la nature  régénératrice avec laquelle, dans l’enthousiasme de la liberté sans cesse recherchée et éprouvée,  elle entre en osmose : le souffle vivifiant de l’air, les beautés de la terre, les mystères du ciel, l’éclat du jour et des astres, la fougue brûlante du feu, les diverses déclinaisons de l’eau. L’aventure de sa vie et la puissance métaphorique de son écriture établissent des correspondances entre les divers éléments  transfigurant le réel en un univers onirique de Beauté où elle-même et l’aimé deviennent éléments de la Nature : « Mes courbes de colline / attendront tes mains douces / comme la terre accueille son bon paysan, / je serai ton pays, tu seras mon torrent ».

 La femme totale : entre mythe et réalité

 Les poèmes en vers libres ou en prose  de Parme Ceriset  immergent le lecteur dans un espace poétique d’étoiles et d’eau, de fleurs et de fruits, de lumière et de fluidité dont « les étoiles de mer » salvatrices réunissent ce qui ne peut être réuni : le monde aquatique et le monde céleste  (« Mon salut, je le dois aux étoiles de mer / qui ont uni leurs bras spongieux / pour former mon radeau céleste »), d’où le titre métaphorique et symbolique du recueil. Dans cet  univers imaginaire tout en délicatesse,  fait de brume, d’embruns, d’écume,  de paillettes,  jaillit  la femme multiple qu’est la narratrice : Aphrodite « surgissant des flots, nue comme une étoile dans un drap de brume »,  sirène unissant l’eau, la terre et le ciel, Amazone  combattante et triomphante (« Je me sens des combats / qui me firent Amazone, / je me sens du courage / qui brille et qui trône / au dessus de nos vies »),  « une guerrière de l’espoir »,  une louve libre , une « Femme universelle : ruisselante de vie et de miel » portant dans ses veines tous ses ancêtres (« J’ai aussi sous ma peau / les souvenirs des morts / qui crient et me transcendent »). Cette femme, tout à la fois fragile et forte, pleine de confiance en la vie, double de la poétesse,  a côtoyé la  mort et la souffrance. Souvenirs indélébiles gravés à jamais en elle, comme  l’aimé d’hier, l’adolescent qui l’a aidée à résister à la maladie : « nous nous aimions sous oxygène / et les tuyaux de plastique / reliaient nos âmes d’anges ». Avoir affronté la mort (« La mort, je l’ai rencontrée. / Elle a un goût acre. Elle a le goût du sang ») lui a fait mesurer la préciosité  de la vie,  l’a guidée  dans sa démarche existentielle, lui a donné force et confiance, lui apprenant à jouir du moindre atome de l’existence, à la croquer avidement : « Mais si tu as approché / la faucheuse aux dents de vouivre / sur les berges glacées du temps, / si tu as senti sa peau froide et glauque / et que sa morsure a infusé en toi / son poison d’absinthe et de mort, / alors jette toi pour survivre / sur la première cerise venue (…) / Savoure les fruits sucrés …/ pour te sentir vivant ».

 Échapper au non-sens par l’intensité de la sensation

  La conscience du caractère éphémère de l’existence  a permis à la poétesse de savourer les plaisirs les plus fugaces, d’appréhender toutes les beautés offertes par la Création, de s’immerger dans un état de réceptivité totale, porte d’accès au mystère et à l’essence des choses. L’invisible acquérant toute une épaisseur dans des vers aériens, musicaux et brûlants. Les sensations les plus fugitives revêtues, par sa plume légère, d’intensité chatoyante, ardente, colorée, savoureuse, – paysages extérieurs et intérieurs -,  sont données à voir, à ressentir, à vivre au lecteur. Un réel donné et aussitôt transcendé par une écriture à la métaphorisation voilante exprimant toute la violence du plaisir comme dans « Nuit pourpre »une écriture tout à la fois fluide, éthérée et sensuelle, faisant fusionner tous les sens. A son passé douloureux cependant beau, succède un présent magique, doré ( « j’épouserai l’or des cieux », « Elle sera lumineuse comme nos regards / embrasés d’or et de violine », « feu doré », « braises d’or »…), précieux,   lumineux (« bois lumineux de printemps et / de jade »), pailleté, un univers de féminité comblé par la virilité (« Féminité qui se déploie / dans les pétales brûlants du jour, / dans l’attente des doux assauts / du soleil enragé de fougue »),  puis est jeté  un pont vers le futur :  l’éternité du temps toujours recommencé (« Et le temps se souviendra (…) »),  l’éternité de l’eau s’écoulant inlassablement, passage « éphémère et immortel » de la Vie. Les sédiments  de la vie de la poétesse, de sa culture sourdent délicatement au détour de chaque poème à l’écriture mallarméenne  et verlainienne.  Le premier texte du recueil donne d’emblée le ton. « Ecume de toi » est un écho inversé du tableau de Friedrich, (Dans le tableau, le  personnage est de dos) : « Je revois ton visage / fouetté par les embruns. / Tu étais-là, debout sur un rocher, / à contempler la tombe  / de Chateaubriand. / Tes cheveux vaporeux / flottaient dans la légèreté du soir », symbole de la rencontre de l’Homme et de l’infini, de l’accès à un au-delà de soi-même dans la force et la confiance de l’enfance innocente : « Tu parlais de la mort, / Tu ne savais pas…/ Tu étais un enfant ».

La richesse culturelle, l’imagination enchanteresse, la sensibilité exacerbée de Parme Ceriset , son émerveillement devant les beautés de la Vie, sa quête de la plénitude,   lui permettent d’atteindre l’essence du réel et l’Essentiel et de les communiquer au lecteur dans une sorte d’extra temporalité. Le recueil poétique Femme d’eau et d’étoiles est un  flamboyant bouquet de parfum, de saveurs, de couleurs, un  hymne passionné à la Vie, un combat contre le destin.

 

Pour découvrir d’autres recueils de la même auteure :

LE SERMENT DE L’ESPOIR
LE SOUFFLE DE L’ÂME SAUVAGE. LIBRE COMME LOUVE

1 Commentaire

  1. Parme Ceriset

    Merci infiniment pour cette merveilleuse recension, si riche en perceptions et en ressentis. Une analyse pertinente, un travail remarquable.

    Réponse

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