Sélectionner une page

Danse ardente

13/06/2022 | Poésie | 2 commentaires

Danse ardente
Parme Ceriset
Les chants de Jane (2022)

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

Parme Ceriset : Danse ardente  Une miniature de vingt-cinq poèmes

 Le recueil poétique Danse ardente, miniature de vingt-cinq poèmes, permet au lecteur familier des œuvres de Parme Ceriset (1) de pénétrer à nouveau son univers imaginaire. Mais cette fois, malgré le bonheur de la danse et la complicité des amoureux,  le ton de l’ouvrage est grave et sombre.

 Un monde clivé

 La poétesse donne à voir un couple d’amants tentant de vivre, de s’aimer, d’être heureux,  malgré et dans l’enfer de la guerre, (« Ils tentent d’être heureux »), défiant la mort et le destin.  Les poèmes  en vers libres, dépourvus de rimes,  fondés sur de constants contrastes guerre/paix, mort/vie, douleur/plaisir, matérialisent, comme le tissage de tout un lexique péjoratif et mélioratif, un monde clivé : le monde qui a été et celui qui est désormais.

Un univers sombre

Le monde d’hier où « la guerre n’était (…) qu’un mot égaré / dans la jungle du dictionnaire … », monde alors joyeux, festif,  lumineux et libre  (« Elle danse encore / dans les rues où fourmillaient jadis / le sens de la fête, / la joie scintillante en pépites, / la liberté des êtres … ») s’oppose dorénavant à un monde de haine (« dans les villes / tombées aux mains des bourreaux », //« Il l’aide à vivre sous la menace / leurs existences torturées, / leurs quotidiens de de condamnés »), de destruction, de douleur, de mort.  Le champ lexical de la guerre et de sa violence injustifiable et absurde  hante chaque poème le teintant  de couleurs enténébrées d’une extrême gravité  et d’une extrême violence :  « des vies broyées, / des destins tranchés, / du sang sur l’asphalte » // « les âmes mourantes » // « les griffes du néant » // « le soleil mourant »/ »la terrible malédiction / des pulsions macabres »// « arracher les ailes des anges / et réduire en cendres les cieux »… Dotée d’un esprit pacifiste et humaniste, la poétesse dénonce le caractère insensé, incompréhensible (« l’odeur âcre du non-sens ») de la guerre, exprimant sa cruauté et son absurdité dans des formules fortes et bouleversantes.

 La résistance de la vie

 Malgré les horreurs de la barbarie, la Vie résiste « pour ne pas laisser triompher la mort ». L’homme et la femme « dansent dans l’air du printemps » // «Même au coeur des ténèbres, / elle continue de danser, / elle saisit le moindre rayon de vie, / pour ne pas laisser triompher la mort ». Ils dansent passionnément, ardemment pour échapper au néant.  Danser n’est pas seulement une preuve de vie,  un acte de joie, un moment d’union avec l’être aimé, c’est aussi un acte de résistance.  C’est se sentir libre dans une nature grandiose,  immortelle, « L’écume indifférente s’avance lentement / et fait l’amour au sable … / éternellement »,  et protectrice :  « comme il fait bon se réfugier dans un regard / d’étoiles, / se réchauffer au soleil / et boire l’air des cieux … ». La nature et ses charmes aident à oublier le sombre réel né de la folie mortifère de certains chefs d’Etats belliqueux, menteurs, manipulateurs,  avides de pouvoir.

Au sein de la tragédie, dans des poèmes irrigués par la violence, la mort, la destruction, l’espoir émerge et tente de triompher : « Le mort gronde et la guerre foudroie / mais au coeur des refuges, / on entend l’écho des colombes, / la saveur des roses / qu’elles portent au monde / et les arbres sourient ». Les métaphores synesthésiques ( « chants parfumés de soleil / qui viennent éclore dans les sous-bois »), la personnification de la nature (« les arbres sourient »), disent la foi en la vie, l’amour gourmand et sensuel  de cette vie si fragile, si éphémère  :« la saveur des roses »,  //« elle cueille une étoile, /et la mange ». L’écriture de Parme Ceriset quitte par moments la sombre réalité  et s’échappe dans des envolées lyriques et oniriques.  Des instants de bonheur naissent alors de la fulgurance poétique, éclairs lumineux, chamarrés et parfumés, au milieu des décombres et de la cruauté.

L’imaginaire des poètes est nécessaire pour colorer de beauté la réalité et permettre d’en oublier momentanément l’inacceptable.

(1) D’autres ouvrages de Parme Ceriset :

2 Commentaires

  1. Parme Ceriset

    Merci infiniment pour cette recension absolument remarquable de mon mini-recueil « Danse ardente ». À chaque fois que je lis un article sur ce site « L’Écritoire des Muses », je suis réellement impressionnée par la finesse d’analyse, la richesse de perceptions… Ce sont des chroniques d’une très grande qualité.

    Réponse
  2. Annie Forest

    Merci chère Parme pour ce sympathique commentaire.

    Réponse

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *