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Les frères Seganniers. Tome 2 – Délices mortels

11/10/2020 | Livres jeunesse | 0 commentaires

Les frères Seganniers
Tome 2 : Délices Mortels
Corentin Segura
Les 3 colonnes (2020)

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

Les frères Seganniers. Tome 2 - Délices mortelsAprès le tome premier des frères Seganniers, Un jeu dangereux, les adolescents amateurs de fantasy, de magie, de suspense et d’action vont retrouver avec enthousiasme et ravissement, dans Délices mortels, du jeune écrivain Corentin Segura, doté d’une imagination débordante, Adam le caractériel et Ethan le rêveur. De nouvelles aventures incroyables, angoissantes, à couper le souffle, vont les embarquer dans un univers « de beauté, de luxe (…) de volupté » (1), d’effervescence, de violence et de frénésie.

Une île paradisiaque

Huit mois après « les tragiques événements d’Halloween » donnés à vivre au lecteur dans Un jeu dangereux, la paisible bourgade où vivent les deux frères est devenue dans Délices mortels une ville sinistre dominée par la méfiance et la peur : « La réputation tranquille de la ville avait aussi disparu. Seule la terreur régnait désormais ». Après avoir été enlevé, torturé puis empoisonné par la belle, sensuelle et élégante Jessica, désormais défunte, qui voulait « se venger (de lui parce qu’il ) avait accidentellement tué ses parents lors d’un accident de voiture », Ethan est enfermé dans un hôpital psychiatrique, attendant avec impatience d’en sortir pour retrouver sa famille aimée et aimante. Depuis son empoisonnement, il a des hallucinations : il voit des colombes, et surtout feue Jessica et le roi Richard Coeur de Lion avec lesquels il dialogue ! Le jeune homme a hâte de quitter l’ambiance morbide et pesante de l’asile pour retrouver une vie « normale ».

La réception d’une lettre de son petit ami lui procure alors une agréable surprise. Son tendre amoureux, le richissime Drew, l’invite à venir passer avec son père et son frère un séjour sur son île paradisiaque, Tohicia, située dans l’Océan Pacifique. Drew March y prépare, en partenariat avec Dior, un stage pour son entreprise : « Les futurs stagiaires devront se rendre sur cette île pour faire une sorte de prépa, avant de rentrer dans l’école de (sa) firme ». Les membres de la famille Seganniers embarquent alors dans un jet privé pour accéder à cette île sublime au climat tempéré et agréable, entourée d’une eau bleutée et transparente, parsemée de fleurs exotiques dotées de magnifiques couleurs : « On se serait cru dans un autre monde ». Les stagiaires déjà présents sur cette île, de futurs créateurs de mode, filles et garçons, sont tous plus beaux les uns que les autres. L’atmosphère, malgré la compétition pour obtenir une place dans l’imposante entreprise March, est festive, sympathique et joyeuse. Afin d’être sélectionnés parmi les meilleurs candidats, les jeunes gens doivent subir un certain nombre d’épreuves : la première consiste à aller chercher des palourdes roses. Or, lors de cette quête, des stagiaires disparaissent mystérieusement.

Le paradis devient l’enfer

Progressivement, l’étrange écaille le réalisme. Le mystère s’installe. Le père des deux frères n’est pas venu sur l’île pour passer de tranquilles vacances, mais parce qu’il a « certaine choses à faire » ! Le rythme de la narration saccélère, créateur de suspense et d’angoisse. Les péripéties se succèdent promptement. Les actions s’enchaînent données par une accumulation de verbes de mouvements, de substantifs et d’adjectifs hyperboliques : « Une bourrasque violente fit voltiger Roturier de l’autre côté de l’étendue d’eau. Camélia reprit ses esprits et sortit vite de l’eau, auprès d’Ethan. Derrière eux, Adam, revenu dans la bataille, contrôlait de nouveau les éléments, sa rage déchaînée ». Le vent qu’Adam maîtrise entre en osmose avec lui et l’aide à combattre les dangers. Les rebondissements se multiplient emportant personnages et lecteurs dans un maelstrom infernal. Les pouvoirs des protagonistes se développent : Adam ne domine pas seulement le vent, mais aussi le feu (« Adam tendit d’un geste brusque sa main et ouvrit ses doigts. A sa grande surprise, une flamme apparut au creux de a paume, éclairant le sombre jungle »), puis l’eau. Comme dans un jeu vidéo, des êtres manipulateurs et menaçants surgissent semant la peur, l’angoisse, la violence, la mort. Les exécutions prolifèrent (« J’ai tué chacun de vos stagiaires éliminés ! »). Le paradis devient l’enfer. Le surnaturel se mêle au réel avec l’apparition d’événements et d’êtres irrationnels, étranges, appartenant au monde de la folie, des légendes, des mythes. Ces entités et ces événements monstrueux ou de sublime apparence s’opposent aux héros fondateurs que sont Adam, Ethan et leur père.

Les sirènes

Des créatures hybrides fabuleuses peuplent les fonds marins. De superbes sirènes sensuelles, séductrices, fascinantes, répondant aux fantasmes masculins et satisfaisant tous leurs désirs appellent Adam de leurs chants magiques et le subjuguent  : « Tous les sens de l’aîné étaient en alerte. Un plaisir tel qu’il n’en avait jamais connu, pas même avec la belle Jessica (…) Le pouvoir des êtres face à lui le menait petit à petit au septième océan (…) Adam vécut le plus grand plaisir de sa vie », « Avec quatre sirènes autour de lui qui lui procuraient tous les charmes et désirs nécessaires, Adam ne savait plus où donner de la tête ». Mais contrariées ces femmes magnifiques et ensorcelantes deviennent féroces : « Elle avait acculé sous son baiser Adam contre un mur. Son charmant minois devint cruel. La sirène ouvrit sa bouche et dévoila de longs crocs ». Les belles séductrices sont aussi des femmes indépendantes et castratrices aux pouvoirs mortifères à l’égard de leurs proies masculines. La femme dans Mortels délices procure d’intenses plaisirs, mais elle apporte aussi la violence et la mort, d’où le titre de l’ouvrage. Les amours masculines comme celles entre Ethan et Drew sont plus douces et plus tendres.

Une structure narrative complexe

Dans Mortels délices, rêves et réalité se conjuguent constamment par le biais des nombreux songes des personnages, songes aussi vrais que le réel, d’apparitions fantomatiques, de résurrections… Le narrateur joue sur l’ambiguïté, sur le flottement entre la raison et la folie, le rationnel et l’irrationnel. Tohicia et Nirelane, deux lieux opposés, la paix et la violence, la lumière et l’ombre, se rejoignent bien vite au fil de la narration dans la fureur et la mort : « Tohicia n’était plus un paradis mais un enfer ». L’écrivain jongle avec les événement se passant à Nirelane et à Tohicia, avec le temps du récit, tricotant les événements s’y déroulant de façon concomitante, imbriquant leurs histoires, « les événements des deux lieux étaient très liés », créant ainsi un tempo dynamique, tourbillonnant, envoûtant.

Comme le premier tome, ce roman plaisir, roman de « myth fantasy » ancré dans le XXIe siècle, roman d’aventures, d’actions, d’amitié, d’amour, ne pourra que plaire aux adolescents et aux adulescents en recherche de sensations fortes.

(1) Clin d’œil personnel à Baudelaire

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