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La guerre toujours inutile

16/06/2004 | Livres | 0 commentaires

Ville à vif
Imane Humaydane-Younes
traduit de l’arabe (Liban) par Valérie Creusot

Verticales, 2004

(par Annie Forest-Abou Mansour)

Ville à vif d’Imane Humaydane Younes multiplie les angles d’observation et donne à voir la vie quotidienne, banale et tourmentée, de quatre femmes dans une ville, Beyrouth, déchirée par la guerre. Liliane, la chrétienne, désormais rejetée par son mari musulman, écrivain, dont « une explosion (lui) a coûté ( …) le bras droit », Warda, séparée de sa fille unique, Camillia, une jeune druze révoltée, Maha qui « pleur(e) un enfant jamais conçu » à cause de cette guerre qui lui a ravi l’homme aimé. Ces quatre femmes meurtries, réunies dans un même immeuble, portent quatre regards sur cette ville brisée par les bombes et les éclats d’obus. Elles proposent leur vision de la vie, une vie en sursis, éclatée, morcelée par une guerre fratricide et ses ravages matériels, physiques, psychologiques : «…folie, violence, forêts de ciment désolées, immeubles sanguinolents, stigmates de la démence et de la fuite éperdue des hommes vers l’abîme. Aux fenêtres et le long des façades éventrées, semblent pendre les tripes des habitations, lambeaux de meubles et de vêtements.». Les familles contraintes à l’exode sont jetées dans la misère («D’exode en exode, les biens s’amenuisent un peu plus »). Seule la violence se fait entendre, incessante, obsédante, menant à une folie dévastatrice même les plus paisibles et les plus équilibrés : Camillia et Warda tuent un milicien, Mohammad, le médecin, «lance à brûle-pourpoint : tiens, si je sortais mon arme de sa cachette et lui faisais faire un brin d’exercice (…) Je vais me poster sur le balcon et ta ta ta ta ta, ouvrir le feu sur la rue, sur les gens, les chats vagabonds, les chiens errants… ».

 Cet ouvrage est le lieu indirect d’une méditation philosophique sur le sens ou le non sens de la vie dans son rapport à la guerre, à la violence, à la haine, à la mort. Il exprime l’angoisse de femmes confrontées à des conflits armés, dans un témoignage vrai et intense, dépourvu de tout manichéisme, et dénonce avec émotion mais sobriété la guerre toujours inutile.

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