Randah, la fille aux cheveux rouges
André-Marcel Adamek (Editions Mijade, 2011)
(Par Annie Forest-Abou Mansour)
Randah, la fille aux cheveux rouges, fiction d’André-Marcel Adamek construite à partir de notre lointain passé, est un ouvrage polymorphe destiné essentiellement aux adolescents. C’est tout à la fois un apologue à la morale implicite et explicite (« Moi, Randah, deuxième reine des Khoubaris, parvenue au terme de son règne, je me réclame d’avoir favorisé la connaissance, l’hospitalité et la paix. Et je prétends que les peuples qui s’écarteront de cette voie sont voués au malheur et à l’anéantissement »), un roman historique, (C’est l’histoire de la vie de Randah, une enfant, puis une jeune fille et une femme de la préhistoire appartenant à une paisible tribu située « au bord d’une rivière, entouré(e) de collines rocheuses et de sombres forêts ») et un roman picaresque. En effet, le lecteur suit le parcours de Randah depuis sa naissance. Comme le picaro, personnage romanesque né en Espagne au XVIe siècle, Randah traverse plusieurs régions, observe, apprend les difficiles leçons de la vie, dénonce ce qui se passe, gravit les échelons de la société. Fillette d’une tribu primitive, elle évolue, s’émancipe, acquiert la sagesse, puis devient reine dans une société où les femmes jouent progressivement un rôle important. Les femmes sont les forces de la vie, nourricières (« Un enfant pendu à chacun de mes seins, je dispensais sans faiblir un lait gras et généreux aux deux marmots qui en redemandaient sans cesse ») et protectrices, les maîtresses du foyer, les relais permettant l’accès au monde moderne.
Dans cet ouvrage plein de poésie, André-Marcel Adamek tient le rôle d’un historien qui dessine l’avenir dans les linéaments du passé : il montre la solidarité, la communion possibles entre les peuples dans les moments tragiques de la vie (« Il arriva alors un drame qui devait, dans l’adversité et l’horreur, réunir nos deux peuples en un même combat »), il annonce la malédiction de l’or : « qu’est-ce que l’or ? lui demandai-je. Un métal jaune et brillant qui conduira un jour tous les peuples du monde à leur perte ».
Voyage dans le temps, le livre d’André-Marcel Adamek embarque le lecteur dans son propre passé, lui permettant d’imaginer ses lointains ancêtres pour qui l’essentiel était de se nourrir et de lutter contre les prédateurs et les intempéries, mais qui ressentaient aussi déjà la nécessité de l’art en commençant à pratiquer la musique, la sculpture. Didactique sans prétention, Randah, la fille aux cheveux rouges, donne à vivre un néolithique atemporel, présent dans le lexique (« Randah Liké Nahoma, ce qui signifie en notre langage fille aux cheveux rouges »), les images, les expressions locales (… notre village construit de bois et de torchis à cinq jets de pierres de notre caverne mortuaire », « (Il) s’était battu comme un ours »). Il montre comment l’homme pourvoyait à ses besoins, comment il s’est affranchi de la nature en cuisant les aliments, en plantant du « bleh », en pratiquant l’exogamie et s’est éloigné progressivement de sa primarité. Cependant ce peuple libre attiré par « Athlana », cet ailleurs au climat plus doux qui le fait rêver, va se heurter à une société plus « évoluée » : « (…) leur chef s’avança sur le sable humide. Ses jambes, ses bras et sa poitrine étaient cuirassés d’étranges plaques dorées. Il portait un casque surmonté d’un cimier écarlate et l’arme qu’il tenait à la main, longue et effilée, n’était ni de pierre, ni de chêne, ni d’aucune matière que nous connaissions ». Et, la civilisation, le progrès vont semer la violence et la mort.
L’ouvrage Randah, la fille aux cheveux rouges non seulement fait vivre le lecteur pendant deux cents pages avec ses lointains ancêtres mais il favorise aussi sa réflexion sur l’évolution de l’homme, la notion de progrès et sur la Vie en général.
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