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Petites pièces d’amour

17/02/2016 | Livres | 1 commentaire

 

Petites pièces d’amour
Nabashli Kunzeï
Collection Haïku (2016)

 

 

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

 

 

   image haiku.jpgPetites pièces d’amour de Nabashli Kunzeï : une miniature carrée à l’éclat rouge flamboyant, couleur de l’amour, de la passion – paquet cadeau rempli de mille tercets savoureux, enchanteurs, esthétiques, sensuels – note les émotions, les sensations, l’instantané du quotidien dans une coulée d’images : « Dans une prairie/ Bruit des insectes/ Duvet de tes cuisses », « Flirt pastoral/ Par le soleil par le plaisir/ Empourprée », entrelaçant des notations visuelles, auditives, tactiles, olfactives.

   Dans un recueil très structuré, allant des « premiers émois » en passant par les «embrasements » pour aboutir aux « délectations », chants de désir, de plaisir, de volupté, Petites pièces d’amour donne à entendre les voix, les pensées, le ressenti d’un homme et d’une femme contemporains : « Cette fille sur une moto/ fuyant de son casque/ longues boucles blondes ». La femme, tout comme l’homme, avoue son désir : « Au bureau/Je pense à tes doigts/ Pinçant mes seins », dit sa jouissance : « C’est si bon/D’être décoiffée/Sans bourrasque ». A l’instar des haïkus japonais du XVIIe siècle, les tercets se répondent, dialogues tendres et coquins entre deux amants. Ces poèmes de fécondation par l’image accordent une immense importance à la plénitude de la vie.

   Ancrés dans le monde, dans les saisons, dans l’instantané du quotidien, ces petits tableaux impressionnistes de l’univers urbain (« Matin d’été/Mon désir dans la rue/ Est un océan ») ou champêtre (« Dans les jeunes herbes/ Il est arrivé en douceur/ Au fond de mon sexe »), peinture naturaliste de la rencontre amoureuse : « Dans l’obscurité/ Une main décidée/ Saisit enfin mon sexe », ces haïkus du XXIe siècle font l’éloge sans tabou (« Si tu veux découvrir/ Toutes les voluptés/ Ne convoque pas ta conscience ») de l’union charnelle, des fantasmes. Ils n’omettent pas cependant le quotidien banal : « Moi qui rêvais/ D’enlèvement romantique/ Ronflements », « Amour le matin/ Coït interminable/ Envie de cornflakes », la mélancolie du temps qui passe, l’oubli (« Ces amours qui naissent/ Et que l’on oublie/ Valise sur le quai »), la rupture : « Cette femme/ Que je voulais peindre/ Devient une ennemie »). Contemplation ou réminiscence, ces petits bibelots, écriture du corps, de la sensation, témoignent de toute une transcendance poétique.

   Ces haïkus érotiques pleins de fraîcheur (« La porte s’ouvre/ Cerisier en fleur/ Fraîcheur d’un baiser ») convoquent tous les instants les plus secrets, les plus intimes de la vie amoureuse, parcourent tous les sentiers de la sensualité avec une écriture raffinée teintée de touches de préciosité libertine. Petites pièces d’amour permet de rêver la jouissance totale à travers une écriture voyeuriste, délicate, jubilante.

1 Commentaire

  1. Nicole Giroud

    Merci pour cette belle découverte! Moi qui en étais restée à Bashô, voilà qui ouvre mon horizon…

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