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Mouettes et rock’n roll

22/09/2019 | Livres | 0 commentaires

 

Mouettes et rock’n roll

Isabelle Isabellon

Bookelis 2019

 

 

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

 

 

 

image rock.jpgDans Mouettes et rock’n roll, Isabelle Isabellon ancre son récit, avec un petit clin d’oeil à Eugénie Grandet, dans la charmante cité provinciale de Saumur, « une des références mondiales du dressage équin », aux « imposants bâtiments en tuffeau coiffés d’ardoises », traversée par la Loire « au flot faussement indolent ». Le réel se donne par des images instantanées au gré du regard des personnages. Leurs déambulations, leurs contemplations plantent des décors réalistes et esthétiques.

Les nombreuses notations géographiques et architecturales se mêlent, dans les premiers chapitres, aux visions, aux rêveries, aux réflexions de Juliette, l’héroïne principale. « Abandonnée dès sa naissance », enfant de l’Assistance publique, ballottée de famille d’accueil en famille d’accueil, en grande souffrance psychologique, perturbée par l’absence de ses géniteurs qu’elle a toujours rêvés de retrouver et auxquels elle pense encore malgré la stabilité et l’amour donnés par ses parents adoptifs Paula et Serge. Désormais employée dans une agence de communication, elle vit avec Pierre. Cependant le jour de l’annonce de sa grossesse alors qu’elle se prépare à la révéler à son compagnon, ce dernier la quitte pour une autre femme. Tout bascule alors dans sa vie. Les souvenirs de son enfance ressurgissent. Mais le texte ne cède jamais au pathos. Grâce au soutien de son entourage et en jouant avec les ressources d’internet, Juliette prend un nouveau départ. La joie et l’humour l’emportent.

En effet, malgré l’angoisse, le désespoir et la souffrance dus à l’abandon (« Encore ce sentiment d’injustice et d’abandon qui la submergeait : elle essayait de ne pas couler, mais le désespoir l’envahissait»), Mouettes et rock’n roll est une comédie légère. La narration joue avec des histoires qui s’imbriquent. De Saumur, elle embarque le lecteur à Paris chez Antoine Lambois, amateur de rock, vendeur « dans un petit magasin de musique dans le 15e arrondissement proche de Convention, qui ne vendait que des 33 et 45 tours vinyles ». Antoine est un jeune célibataire heureux, ayant la chance de concilier vie professionnelle et amour de la musique.

Le hasard d’une homonymie réunit Juliette et Antoine. Les coïncidences se succèdent alors. Léa, « inspecteur à la brigade de police de Saumur », amie de Juliette, qui, « face (…) à un important trafic de cannabis » à Saumur, mène une enquête, est l’ex petite amie de Guillaume, un policier, frère d’Antoine. Différentes histoires se rencontrent, se mêlent, se tricotent, se tissent. Des liens s’établissent entre les intrigues et les personnages.

Le titre Mouettes et rock’n roll, énigmatique au premier abord, concrétise en fait le lien entre les deux parties de l’ouvrage : Saumur et ses mouettes (« A l’entrée du pont vers le centre-ville, de chaque côté, sur toute la longueur du parapet, des petites mouettes s’étaient posées et dormaient, certaines la tête sous l’aile »), la rue des mouettes où habite Paula, et Paris et la musique omniprésente dans la vie d’Antoine. Ce titre symbolise aussi la rencontre et l’union, concrétisée par la conjonction de coordination « et », entre Juliette et Antoine.

Le roman d’Isabelle Isabellon raconte une tranche de vie de neuf mois dans laquelle le lecteur suit Juliette, autrefois fillette révoltée, désormais jeune femme ayant acquis une certaine maturité d’esprit, soucieuse de ne pas reproduire le schéma maternel, d’offrir un père responsable et aimant à son futur enfant (« Je ne veux pas d’un père minable et menteur pour mon enfant »). Le roman d’Isabelle Isabellon, qui brosse des portraits précis de personnages ordinaires, soulève des questions sociétales avec tendresse et parfois humour. Les trafiquants de drogue de Saumur sont d’inoffensifs retraités aux revenus modestes malgré toute une vie laborieuse. La narratrice donne à voir un tissu social où règne la solidarité : à Saumur avec le « potager solidaire », les relations encourageantes et généreuses de Juliette, mais aussi à Paris avec Joseph, propriétaire d’un bar qui propose « une pièce avec un point d’eau derrière son bar » à des sans abris. Elle traite avec empathie de thèmes comme l’homosexualité, l’adoption…

Une pincée de sentimentalisme, un soupçon de polar et de suspens, une pointe de sociologie pimentent Mouettes et rock’ n roll, roman, sympathique, plein de vie, d’espoir, de tendresse écrit à la troisième personne, en focalisation interne permettant ainsi aux lecteurs de s’identifier aux personnages.

 

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