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MONTRE MOI TON VISAGE

23/08/2015 | Non classé | 0 commentaires

Montre moi ton visage     
Véronique Lévy 
Les Editions du Cerf (2015)

 

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

 

    Image montre moi.jpgLire Montre moi ton visage de Véronique Lévy, c’est accéder dans les hauteurs éthérées et brûlantes de la foi, dans l’univers ineffable de l’Art. Dès la prise en mains du livre, la sublime et douce sculpture aux drapés souples et légers intitulée Véronique essuie le visage du Christ de la couverture glacée laisse entrevoir la dimension mystique nimbée de lumière, de grâce, de pureté et quasiment de sacré du récit autobiographique. Le rapport intime profond entre la narration et l’expérience  christique de la narratrice, « au nom très ancien, aristocratique, une des douze tribus d’Israël », vibre déjà, suave, ténu et cependant puissant.

    Véronique Lévy, jeune femme « née en banlieue parisienne dans une famille juive non pratiquante » raconte sa rencontre, dès sa plus tendre enfance, avec le christianisme. Elle plonge dans son passé, ses souvenirs les tissant au présent, faisant pénétrer le lecteur au cœur même de son questionnement, de ses doutes, « ruse du Malin », de sa foi intense, immense. Un courant invisible, « un fil de lumière », concrétion de l’Amour christique, circule entre elle et des êtres lumineux placés sur sa route – Incarnation, sa nourrice dont le prénom est  une promesse,  Coralie, son amie d’enfance aux« yeux mauves vibrants comme des vitraux », Indar, image du « Saint Suaire», Pierre-Marie Delfieux, « le fondateur des Fraternités monastiques de Jérusalem »… – qui l’emmènent à la rencontre du Christ, de Marie, des Saints.

     Après une vie mouvementée, instable « de dix-huit à vingt cinq ans », un état d’incomplétude, Véronique Lévy, dotée d’une sensibilité exacerbée, s’extrait d’un univers étourdissant, superficiel, faux, ennuyeux : « La ville bat, louche et fardée… paillettes, bars de nuit, déversoir étincelant pour rêves vérolés … ») sombre, mesquin, dépourvu d’espoir, « le réel se dresse mesquin, grincheux ».Progressivement,la jeune femme échappe à l’absurdité du quotidien, aux angoisses,  se libère des entraves du matérialisme, de la raison. Elle devient calice insondable absorbant l’essence de la divinité. Elle est l’Elue qui accepte et, en même temps, celle qui choisit (« C’est Jésus que je veux… »)  assumant pleinement son choix d’être chrétienne : « Je cours dans la ville, je crie mon amour. Je retourne dans les lieux du passé pour annoncer le jour de ma naissance ». Sa joie en Christ devient totale : « A cet instant, mon bonheur est absolu, sans ombre ; je suis saisie dans une plénitude si profonde, qu’il me semble habiter déjà le Royaume ».Par le baptême, elle accède à la Naissance : « En cette veillée pascale, la chrysalide va mourir, mon seigneur, le cocon va se déchirer et je m’élancerai vers le feu de Ton Cœur ». Elle comprend que sans l’amour du Christ, la vie n’est qu’illusion, mensonge. Elle s’immerge dans une vie brûlante d’amour, de confiance, dans une extase voluptueuse et spirituelle. Sa quête d’absolu transfigure sa vision du monde, de la vie, de la mort, « accouchement à rebrousse-temps ».Mourir, c’est naître au Christ et lui accorder toute sa confiance. Philippe, perdu pour les médecins, « Ne vous faites pas d’illusions… votre frère n’a aucune chance de s’en sortir », vivra parce qu’elle croit aux messages, aux signes divins, à la force des prières.

    Avec Véronique Lévy, femme mue par les signes, les songes, les clins d’œil divins, être perçant et percé par le regard du Très Haut,  ravagée du besoin d’exprimer l’inexprimable, le lecteur s’envole dans l’ineffable, la croyance, la foi, le mystère, l’Absolu. Il pénètre dans le monde de grâce et de lumière de la narratrice à la faveur de son témoignage, de son message, de ses dialogues d’âme à âme avec le Christ, avec Marie, de son écriture oxymorique  (« ses paroles sont du miel et du feu », « un regard brûlant de glace »), à la fois sensuelle et céleste, liant métaphores charnelles et métaphores virginales. Des extraits de psaumes, de prières, des poèmes tissés dans le fil du récit concrétisent l’extase voluptueuse et  spirituelle de la narratrice, l’immensité de l’Amour divin. La fulgurance des images, les synesthésies, les allitérations fluides et glissantes (« les voix s’élèvent, à l’assaut des voûtes neigeuses ; les vitraux virent (…) »), l’hyperesthésie donnent à ressentir, quasiment à voir, l’Invisible.  La parole pneumatique devient souffle divin, hymne à la vie (« Je suis le Dieu des vivants et non des morts »), berceuse apaisante. La religion n’est plus qu’une : « ‘O Vierge Marie, fille d’Israël, toi qui es la gloire de Jérusalem’ ;  cette antienne m’inscrit dans l’unité retrouvée d’une alliance ininterrompue ».Le judaïsme et le christianisme sont la continuité l’un de l’autre, tous deux unis par la Lumière divine : « Jésus n’abolit pas la Loi… Il accomplit la promesse de la Première Alliance. (…) Marie et Jésus sont juifs, issus d’une des douze tribus d’Israël, de la lignée de David. ». Les moines de l’église Saint-Gervais  ne prient-ils pas  et ne chantent-ils en hébreu ? : « Les moines entonnent le Shema Israël  puis le Notre Père en hébreu »

    Montre moi ton visage, ouvrage sublime, éblouissant, « au parfum de violette, de cannelle et fleur d’oranger »,  bouquet de lys et de roses, coloré de « pourpre », « d’azur et d’or », teintes royales et divines ,  pétri de poésie (« Le tambourin, la flûte et la cithare se lèvent : la délicatesse du cristal, le doux murmure de flocons de neige s’égrènent dans un ciel translucide, éclos au souffle d’une promesse inouïe (…) »), de foi, de mysticisme,immerge le lecteur dans un bain de sensibilité religieuse, l’initie au Mystère sacré. Le témoignage poignant, audacieux de Véronique Lévy donne tout son sens au mot « religion », « religare », relier, et prouve qu’avec la foi en Christ tout est possible.

    Montre moi ton visage  révèle un immense talent et une spiritualité insondable.

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