L’homme qui voulait aimer sa femme
Hervé Pouzoullic
Editions Anne Carrière (2018)
(Par Annie Forest-Abou Mansour)
Marc Polovic, l’étudiant breton doué mais peu travailleur et immature, qui rêvait dans le premier ouvrage d’Hervé Pouzoullic, Le bigorneau fait la roue, de connaître le véritable amour devient dans L’homme qui voulait aimer sa femme un adulte sur la voie de la maturité. Il a désormais rencontré la femme idéale en la personne de Vasilissa dotée de « la grâce de la Vénus d’Urbino ». Cette bouleversante, magnifique et élégante amante « avec sa chevelure blonde tirée en arrière et ses yeux bleus maquillés ( qui ) ressemblait à Melanie Griffith dans Working Girl », quitte sa Russie natale pour vivre à Paris et se marier avec Marc. Dans ce second récit à la première personne, le narrateur pense à nouveau avoir trouvé une solution miracle. Dans le précédent ouvrage, il concluait que l’incompréhension était le secret de la durée d’un couple, désormais il considère qu’écrire un livre est le moyen d’attiser le feu de la passion.
Un sublime, tendre et voluptueux amour unissait Marc et Vasilissa. Mais dix ans de mariage, deux adorables enfants, Clara et Mathieu, un chien facétieux, Krouchtchev, un travail absorbant éteignent peu à peu la brûlante flamme : Vasilissa a un « poste de directrice financière (…) six cents personnes à gérer », Marc travaille dans l’industrie pharmaceutique, dans « les pays émergents d’Europe de l’Est et du Sud (…) de Malte à l’Estonie, de la Tchéquie à la Bulgarie ». Son rythme de travail absorbe tout son temps et toute son énergie. Désormais le couple « ne se regarde plus dans les yeux. Il regarde dans la même direction ». Les deux époux ne sont plus en osmose comme avant, ils progressent désormais de façon linéaire, regardant droit devant eux. Pourtant Marc aime toujours passionnément son épouse. Il veut qu’elle le sache, que la terre entière aussi le sache. Il désire surtout que la fougue et la complicité des premiers jours resurgissent. Pour cette raison, il décide d’écrire un roman : « Ce serait plus qu’une lettre, plus qu’un poème, plus qu’une déclaration d’amour, ce serait un engagement. Un témoignage » ». Imprimer puis éditer leur histoire immortalisera leur amour : « J’avais trouvé le secret de l’amour éternel ».
Le problème, c’est que Marc se découvre, dans le sens laïc et religieux du terme, une vocation irrésistible d’écrivain. Ce penchant incoercible pour l’écriture l’envahit littéralement comme le prouve le style ternaire lyrique de son constat : « L’écriture n’était pas une souffrance, mais une exploration, une découverte, une libération ». Le personnage de Vasilissa devient plus réel que nature. C’est une compagne totale, émouvante, excitante : « J’eus le sentiment de passer davantage de temps avec Vasilissa en deux heures d’écriture que lors de ces deux dernières semaines. Je retrouvai l’émotion de notre première rencontre : son apparition dans la foule de l’aéroport de Moscou, la légèreté de ses cheveux blonds, son sourire accueillant (…) Elle déboutonnait son élégant manteau de fourrure. Dessous, elle portait un pull à col roulé très près du corps et un pantalon noir gainait ses jambes, de légères bottines sexy chaussaient ses pieds ». La femme fictive vampirise Marc. L’écriture le phagocyte. Le narrateur présent, absorbé par son projet, devient absent. Il ne s’intéresse plus à sa famille : Vasilissa insistait pour que je partage le repas du soir en famille, mais mon esprit était ailleurs et mon regard, vide ». Il s’exile par amour, s’isolant dans sa tour d’ivoire amoureuse et littéraire, délaissant ses amis, ne sortant plus, délégant son travail. Accroché à son ordinateur, il ne dort plus : l’écriture devient une véritable addiction : « Et plus j’écrivais sur Vasilissa, plus je l’aimais ». Il délaisse la femme réelle, qu’il comprend de moins en moins et qui le comprend de moins en moins, pour la femme fictive, au risque de faire éclater son couple. L’écriture métamorphose sa vie : « L’écriture a changé ma vie ». Elle devient un processus de cristallisation. Les propos de Marc rappellent ceux de Stendhal dans son essai De l’amour : « Au moment où vous commencez à vos occuper d’une femme, vous ne la voyez plus telle qu’elle est réellement, mais telle qu’il vous convient qu’elle soit. Vous comparez les illusions favorables que produit ce mouvement d’intérêt à ces jolis diamants qui cachent la branche de charmille effeuillée par l’hiver, et qui ne sont aperçus, (…) que par l’œil de ce jeune homme (…) ». Marc idéalise Vasilissa, la pare de toutes les qualités. Elle ne se retrouve pas dans la femme décrite par son écrivain de mari qui effectue une espèce de plongée en plein mysticisme littéraire : « Vous savez ce qu’a dit le prophète Isaïe à ses disciples ? ‘Ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce que je veux, sans avoir accompli sa mission’ ». Il est comme « appelé à » écrire, l’écriture devenant un sacerdoce. Sa vocation s’inscrit désormais dans une espèce de champ religieux. A partir de ce moment, les connotations religieuses et bibliques abondent dans les propos tenus par le narrateur : « J’étais Marc, le premier des évangélistes », « Enfin, je me sentais digne de ma mission, de ma foi (…) », « Je ressemblais à Moïse descendant du mont Sinaï »…. Son ouvrage se transforme imaginairement en ouvrage sacré. Publié par l’éditeur d’Armageddon (petit clin d’œil humoristique au lieu symbolique du combat entre le Bien et le Mal dans le Nouveau Testament), il s’intitule : « L’Evangile selon Marc P. » ! Derrière le narrateur se cache l’écrivain et ses nombreux effets d’humour et d’ironie.
Comme dans Le bigorneau fait la roue, l’humour, le caractère cocasse des situations et des personnages l’emportent dans L’homme qui voulait aimer sa femme. Dès les premières pages, la gaieté submerge le lecteur. Les comiques de mots, de situation, de caractère se tissent. Les jeux de mots (« Je prendrai un filet de connard, annonça Vasilissa en refermant son menu »), les néologismes (« mistoufler », « ma berbillolette »), les comparaisons (« Son fauteuil sommairement plié gisait à nos pieds, une roue en l’air, tel un pur-sang foudroyé lors de la glorieuse charge d’Eylau »), des péripéties épiques ou exagérées (Atsuko et son œil clignotant « fait voler à trois mètres de là » l’homme qui a posé une main sur son épaule), des situations rocambolesques (« (…) dans un fracas assourdissant, (je) passai au travers du Placoplatre au-dessus de l’escalier (…) Mes jambes traversèrent le plafond, je laissai une partie de ma virilité sur la poutre (…) », sillonnent le récit, les descriptions et les dialogues. Des personnages excentriques, atypiques, mais attachants entraînent le lecteur dans leurs aventures délirantes, suscitant le sourire et le rire.
Comme dans le premier roman d’Hervé Pouzoullic, le lecteur devinent des passages autobiographiques en creux. Il sent une oscillation du « je » entre la fiction et le réel dans les descriptions émouvantes de la Bretagne, de la grand-mère, de l’épouse, des enfants, « putti sortis d’une peinture de Botticelli », dans l’attente de réponses positives de la part d’éditeurs, dans la critique du monde de l’entreprise… Ce roman plein de fraîcheur, d’humour, de clins d’œil malicieux, de références culturelles, à l’écriture pittoresque, au tempo dynamique sort d’emblée le lecteur de son quotidien et l’entraîne dans de grands éclats de rire.
Le bigorneau fait la roue, Hervé Pouzoulic
http://lecritoiredesmuses.hautetfort.com/archive/2018/04/25/le-bigorneau-fait-la-roue-6046731.html
Bonjour Annie ! Et Merci infiniment pour vos 2 critiques sur le » Bigorneau fait la roue » et Le tout nouveau roman: « L homme qui voulait aimer sa femme »
Je suis sincèrement heureux que les 2 Romans et le tout dernier vous aient plu !
J ai essayé de vous amuser et de vous faire passer un bon moment. J ai voulu aussi aborder des thèmes plus profond, comme l usure du couple, l addiction à l écriture, les conséquences personnelles et familiales,
Je me suis attaché à évoquer le parcours d obstacle de l apprentis écrivain. Nous sommes nombreux à écrire et les difficultés que rencontrent le personnage vous rappelleront peut être des souvenirs…
Merci beaucoup de votre retour de Lecture. Votre Chronique me fait infiniment plaisir ! Bravo Annie ! Vous êtes une muse. Amities Hervé
Bonjour Annie ! Et Merci infiniment pour vos 2 critiques sur le » Bigorneau fait la roue » et Le tout nouveau roman: « L homme qui voulait aimer sa femme »
Je suis sincèrement heureux que les 2 Romans et le tout dernier vous aient plu !
J ai essayé de vous amuser et de vous faire passer un bon moment. J ai voulu aussi aborder des thèmes plus profond, comme l usure du couple, l addiction à l écriture, les conséquences personnelles et familiales,
Je me suis attaché à évoquer le parcours d obstacle de l apprentis écrivain. Nous sommes nombreux à écrire et les difficultés que rencontrent le personnage vous rappelleront peut être des souvenirs…
Merci beaucoup de votre retour de Lecture. Votre Chronique me fait infiniment plaisir ! Bravo Annie ! Vous êtes une muse. Amities Hervé
Merci beaucoup Hervé pour votre sympathique commentaire. Amicalement. Annie