L’Homme qui n’a pas inventé la poudre.
Stéphanie Claverie
Editions de la Différence (2016)
(Par Annie Forest-Abou Mansour)
« La vie de Sébastien s’est écoulée paisiblement, sans problème, jusqu’au jour des obsèques de sa mère Yvette ». Ce beau petit garçon un peu différent, plus lent que les autres, personnage principal de L’Homme qui n’a pas inventé la poudre de Stéphanie Claverie, vivait heureux sous le regard bienveillant de sa mère, protégé par son amour. Yvette savait que l’intelligence est multiple (Sébastien ne bat-il pas le record de vitesse d’ouverture des huîtres perdu par le médecin ? !) et que les qualités de cœur sont primordiales : « Seule Yvette était consciente que Sébastien avait du cœur ». Mais beaucoup ne ciblent pas l’essentiel de l’humain. La différence érigée en essence fixe, insurmontable, conduit à dénier en l’Autre son humanité.
Or Sébastien, désintégré par la disparition de sa mère, fonctionne différemment des autres enfants puis des autres adultes. Il ne respecte pas les codes sociaux (« Sébastien a culbuté Lili dans l’herbe grasse et verte de Charente ce qui a terrorisé la mère de cette dernière »), ses propos pourtant logiques déconcertent ses camarades de classes. Il prend les métaphores, les symboles dans le sens strict des mots, autrement dit au pied de la lettre : « -Faut être bête pour croire qu’une poule, elle pond autant d’oeufs le même jour ! ». Ayant besoin d’un contexte cohérent pour évoluer correctement, il construit des repères dans son environnement, dans son emploi du temps, ( « Sébastien travaille tous les jours, dans le même sens, dans le même ordre, au même endroit, à la même heure. »), qui lui permettent d’être efficace malgré sa différence. Cette différence n’est-elle pas une richesse (« sa différence est une force ») dans une société qui en a peur ? La Barbue effraie. Les individus fuient, ignorent celui qui ne leur ressemble pas. Certains le méprisent ou le regardent avec compassion. Lucas défiguré par l’acné ressent le rejet de ceux qui l’observent : « Le monde est un hérisson qui le regarde de travers ». Dans la société, l’apparence l’emporte souvent sur l’essence. Pourtant le plus fondamental est l’être. Sébastien possède de nombreuses qualités qu’heureusement certains savent apprécier. Il est généreux, serviable, souriant. Jardinier, il travaille avec efficacité, sérieux, compétence. Il connaît chaque fleur, chaque plante par son nom scientifique (« Des hélichrysums »…), connaît le meilleur emplacement pour sa croissance, les meilleures méthodes pour oxygéner la terre (« – On ne retourne pas la terre à la fourche bêche, on l’aère avec une grelinette ! »). Barbara qu’il soutient moralement et dont il réconforte le fils, momentanément handicapé suite à un accident, voit en lui l’homme, toujours « synchrone avec la réalité (…) clé de (son) équilibre », serviable, beau, au « torse musclé » et non l’être désavantagé par la vie. Elle ne le réduit pas à son statut d’handicapé. Voyant l’Humain en lui, elle engage un dialogue, une relation d’égale à égal avec lui. Sébastien, personne rayonnante, l’esprit voguant dans les rêves, au cœur débordant d’amour, de gaité lui redonne confiance, lui apporte la joie d’exister.
L’Homme qui n’a pas inventé la poudre est un bel ouvrage pétri d’empathie, à l’écriture limpide et sobre. Il dénonce une société fondée sur la productivité, l’efficacité, l’argent. Il aborde avec intelligence, finesse, professionnalisme et générosité différents types de handicaps : celui de Lucas accidenté de la route, d’Emilie, née paraplégique, de Simone chargée du poids des ans… et porte un regard compréhensif, sain sur la différence physique et/ou mentale. Vivre tous ensemble quelque soit nos dissemblances est une richesse et une chance. Le plus important dans l’existence est l’âme lumineuse et joyeuse. Sachons mépriser le monde des apparences et rester simples, d’autant plus que, comme le prouve L’Homme qui n’a pas inventé la poudre, tous les humains sont fragiles et porteurs de faiblesses. Stéphanie Claverie a rédigé un ouvrage réaliste sur la vie, la vraie vie.
Merci pour votre analyse qui donne envie de lire ce livre tres vite.
Un beau livre humaniste dont vous avez su donner la touchante profondeur, merci!