Sélectionner une page

Les facéties d’un heureux disparu

30/04/2019 | Livres | 3 commentaires

 

Les facéties d’un heureux disparu
Joëlle Vincent
Editions Maxou (2019)

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

L’écrivaine et poétesse Joëlle Vincent (1), dans Les facéties d’un heureux disparu narre les aventures d’une âme, plongeant le lecteur dans un univers merveilleux (2), un « lieu singulier où les âmes promises à une incarnation prochaine sont réunies ». Dans ce monde prodigieux, les âmes s’expriment, se déplacent, observent. Surtout, elles connaissent différentes incarnations. Récompensées pour les épreuves vécues précédemment, les plus anciennes peuvent même choisir leur nouvelle enveloppe corporelle ! Mais une fois le choix pris, la décision est définitive.

Felix, le personnage principal, au prénom symbolique, (Sa vie sur terre terminée, il clame haut et fort : « Je suis un heureux disparu » ! ), âme en attente de sa future enveloppe corporelle, se laisse emporter par sa générosité et sa compassion : « En effet, à cet instant crucial où il devait choisir la future incarnation de son âme, son empathie singulière, lui joua un terrible tour ». Ce n’est pas l’heureuse famille de Joséphine et d’Abel qu’il choisit, comme prévu par la providence, mais celle de la malheureuse Marthe, une femme de quarante ans en mal d’enfant. Mère « abusive et castratrice », elle étouffe d’amour son pauvre nouveau- né puis le garçonnet qu’il devient. Fort heureusement, l’enfant possède du recul devant les événements et une certaine dose d’humour. Il arrive alors à s’émanciper de la tutelle de cette mère « délirante d’affection à son égard ».

Lors de sa vie terrestre, Félix, garçonnet « à fleur de peau, (…) un stradivarius, une mécanique à la fois prodigieuse et particulièrement fragile », apparaît comme un enfant précoce : intelligent, curieux, doté d’un vocabulaire riche, il s’exprime comme un adulte et fait davantage preuve de maturité que sa mère ! Il apprend seul à lire sur le quotidien de son père et peut ainsi parler « des faits divers de l’actualité ». Comme beaucoup d’enfants précoces, il est solitaire et se heurte à un ennui cruel. Il ne doit son salut qu’à la lecture. A l’image du jeune Jean-Paul Sartre qui se réfugiait dans la bibliothèque de son grand-père pour retrouver sur «(s) on perchoir, les hauts lieux où soufflait l’esprit » (3), Félix grimpe sur un petit escabeau pour accéder aux ouvrages de ses parents et les dévorer « comme des friandises interdites ». L’interdit est porteur d’une intense saveur lorsqu’il est transgressé  et la situation en hauteur permet de dominer et surtout d’oublier momentanément le mal être.

Après une existence monotone et ennuyeuse, la sublime découverte de l’amitié avec un autre enfant précoce métamorphose son terne quotidien. Malheureusement le petit garçon meurt à dix ans. Après cette tragédie, le lecteur voit la vie « d’en haut » avec le regard du défunt Félix et il découvre tous les secrets de l’au-delà : comment se téléporter, comment déplacer des objets, comment communiquer avec les vivants…  Dans cet autre monde paradisiaque, le paranormal devient normal. Comme pour Hugo qui fait partie de l’imaginaire de Joëlle Vincent, grande admiratrice de ce poète entrant régulièrement en communication avec l’au-delà après le décès de sa fille Léopoldine, tout vit dans la nature, tout possède une âme. Mais trop insister sur la vie éternelle, faire communiquer les vivants et les défunts n’est-ce pas une tentative pour estomper l’horreur de la mort et pour essayer de l’exorciser ? Toutefois l’amour porté aux disparus, lui, ne s’éteint pas. Et c’est cet amour qui leur permet de continuer à vivre dans les coeurs et les souvenirs. Ce conte donné à lire par la narratrice ne serait-il pas une métaphore de cet amour indéfectible ?

Dans Les facéties d’un heureux disparu, ouvrage mu par l’imagination, le rêve, la sensibilité, Joëlle Vincent ne se contente pas de narrer une histoire étrange, singulière et quelque peu mortifère malgré des traits d’humour, elle glisse des remarques sur la société et des analyses à vocation psychologique. Son ouvrage renvoie aux différents drames vécus dans la vie actuelle : l’infertilité féminine, la PMA, les problèmes de couple, l’adultère, les attentats terroristes… Les thèmes de la mort, de l’enfance, de la mère mal aimante se font écho de ce roman aux autres oeuvres de l’écrivaine. Ce sont autant de miroirs de son monde intérieur en proie à une angoisse existentielle et à une souffrance cachée derrière son éblouissant et lumineux sourire.

  1. Ses autres œuvres :

    AU FIL DU CŒUR : http://lecritoiredesmuses.hautetfort.com/archive/2012/07/15/au-fil-du-coeur.html

    FENETRE SUR L’ETERNITE : http://lecritoiredesmuses.hautetfort.com/archive/2013/12/27/fenetre-sur-l-eternite-5257437.html

    A FLEUR DE MOTS : http://lecritoiredesmuses.hautetfort.com/archive/2015/08/22/a-fleur-de-mots-5673941.html

  2. Récit imaginaire impliquant l’existence d’un univers échappant aux lois naturelles. Les événements surnaturels sont acceptés comme tels.

  3. Les Mots de Sartre.

3 Commentaires

  1. Vincent

    Merci Chère Annie pour cette lecture attentive et lumineuse de mon ouvrage . Je reconnais bien ici la finesse qui te caractérise et aussi cette bienveillance qui te rend si attachante .
    Tes mots me touchent profondément tant ils révèlent l’attention scrupuleuse que tu as accordée à mon roman.
    Je t’embrasse affectueusement
    Joelle

  2. Vincent

    Merci Chère Annie pour cette lecture attentive et lumineuse de mon ouvrage . Je reconnais bien ici la finesse qui te caractérise et aussi cette bienveillance qui te rend si attachante .
    Tes mots me touchent profondément tant ils révèlent l’attention scrupuleuse que tu as accordée à mon roman.
    Je t’embrasse affectueusement
    Joelle

  3. Vincent

    Merci Chère Annie pour cette lecture attentive et lumineuse de mon ouvrage . Je reconnais bien ici la finesse qui te caractérise et aussi cette bienveillance qui te rend si attachante .
    Tes mots me touchent profondément tant ils révèlent l’attention scrupuleuse que tu as accordée à mon roman.
    Je t’embrasse affectueusement
    Joelle

Commentaires récents