Le passage
Francis Denis
(A paraître)
(Par Annie Forest-Abou Mansour)
Après avoir rédigé un premier recueil de nouvelles, Les Saisons de Mauve ou le chant des cactus, Francis Denis en prépare un second de la même veine. Dans une des nouvelles de ce futur ouvrage, « Le Passage », un narrateur omniscient donne à voir et à vivre la vieillesse, sa décrépitude et ses handicaps. Un homme âgé « recroquevillé derrière (un) rideau poussiéreux », assis dans un fauteuil roulant, attend avec impatience le passage dans la rue d’une femme, dont le corps est une combinatoire de lignes courbes et gracieuses : « il ne voudrait pour rien au monde rater son passage, la vue lumineuse de ses jambes fuselées… ». L’enveloppe corporelle de cet homme ne possède plus sa plasticité, son esthétique. La boucle étouffante se referme, cercle infernal, retour vers le passé, vers une enfance dépossédée, transformant ce vieillard en « vieux bébé ridé » contraint de faire le deuil de sa vie amoureuse et de sa Vie. Pourtant son corps et son cœur vibrent toujours. Une brûlure intérieure consume son être. Mais seul son regard peut combler ses rêves, ses émotions, ses sensations. Et c’est une gorgée de bière qui noiera ses frustrations : « Il ouvre sans conviction la porte du frigo puis plonge la main dans la froide lumière pour en retirer son autre souffrance, cette bière à peu de frais qui le console le temps de quelques larmes » en attendant le prochain passage de la « Déesse enrubannée de soleil » de ses rêves.
« Le Passage », nouvelle où le champ lexical de la vue – seul sens encore alerte- et de la lumière dominent, – lumière qui met en valeur la radieuse beauté de la passante – traite avec vérité et émotion un thème universel : la vieillesse, une vieillesse qui ne peut plus évoluer que dans l’onirisme.
0 commentaires