Sélectionner une page

L’Air de ton nom et autres poèmes

19/04/2012 | Livres | 4 commentaires

 

L’Air de ton nom et autres poèmes    
Jean-Dominique Humbert    
CamPoche (2011)      
Bernard Campiche éditeur   

 

 

 

(Par Annie Forest-Abou Mansour) 

 


image à l'heure de ton nom.jpgLe recueil poétique de Jean-Dominique Humbert, L’Air de ton nom et autres poèmes est loin de la poésie traditionnelle, au nombre obligé de syllabes, soumise à la servitude des homophonies  finales des vers,  d’avant le XXe siècle. Les poèmes de Jean-Dominique Humbert sont libérés des contraintes métriques, phoniques, strophiques… Avec ses poèmes, les oeuvres classiques aux règles et aux normes contraignantes s’écroulent laissant place à la liberté du vers, chassant les rimes et estompant la ponctuation : « Le froid est venu/ dans la mémoire des près/ Les pierres ont passé/ l’heure, la page/ où tu t’installes. ».  Chaque mot de ces petits bijoux scintillants, fragments précieux, nichés au cœur de l’écrin blanc de la page, libère tout son éclat. Le concentré de mots, isolés sur la page blanche, intensifie la présence d’un réel suggéré et rêvé dont les thèmes prédominants sont la nature et une femme tout à la fois proche et lointaine. L’acuité  légère  du  substantif et du verbe, la simplicité de l’adjectif,  leur luminosité (« On n’entre pas toujours/dans la clarté de mai »,  leur couleur indicible (« Son ciel demain si tu reviens/ quand il aura la couleur de l’air »),   leur silence («L’arbre dort solitaire/ avec le temps/ c’est un pré dans l’hiver/ Où demeure le silence »), (« on croirait le silence du sapin/ du pré dans sa journée blanche »), «(« La voix de la rivière/son chemin dans ses pas/ qui ne parlait ») volètent,  concrétisant avec subtilité la fragilité évanescente du réel, souvent davantage rêvé que vécu : « « qu’attends-tu d’un jour/si ce n’est le reflet, ombres/ portées sur la terre ? ». Les images déroutantes parfois au premier abord, comme en l’occurrence, « Le bonheur était vert »  finissent toujours par imposer leur légitimité. Cette métaphore dit la fraîcheur vivante de la nature et de l’espoir qu’elle contient.   
Chaque court poème est un instant d’intense émotion, de bonheur éphémère,  qui tente de saisir les mouvements fugitifs de la beauté de la nature, d’une saison : « La marche du ciel/ dans le long nuage, / l’eau, l’herbe, et la terre qu’on espère/ si ce n’est la promesse du pommier/ où grimpe la fleur de mai » ou « Un ciel sans nuage/dans l’eau claire de l’été », d’une femme, absente intensément présente,  que le narrateur ne donne jamais ni à voir ni à entendre et d’une personne à jamais disparue que l’on devine et  qu’il interpelle à la deuxième personne du singulier : « « L’eau dans le ciel est une ombre qui danse/ Tu la disais lente/ Elle va son lit de terre/ Elle garde les secrets qu’elle reçoit au passage ».   
 Comme le peintre à la plume légère  ou le sculpteur japonais qui cisèle un grain de riz, Jean-Dominique Humbert façonne  minutieusement la nature dans des haïkus sublimes et frais : « A l’instant te parle/ Ce goût de source/ La mémoire danse » fixant le caractère fugitif,  transitoire et vacillant de l’instant présent et du temps qui passe inexorablement.         
Il existe toute une esthétisation du réel dans le recueil de Jean-Dominique Humbert.  Ces légères, raffinées,  gracieuses et émouvantes  petites merveilles poétiques sont  à savourer avec délicatesse  … sans        modération !            

 

4 Commentaires

  1. Nicole Giroud

    Très beau commentaire, tout en poésie, en légèreté et sensibilité, comme l’auteur qu’il a choisi de défendre et de faire connaître.
    Merci Annie pour cette découverte.

  2. Annie

    Merci pour votre beau message. Annie

  3. JTR

    Les haïkus nous plongent directement au plus profond de la nature dans la mesure où le vers est d’une simplification extrême.Le haïku fait partie intégrante de la pensée boudhiste où tout est authentique et dépourvu de fioriture.
    L’usage de la pensée ou de la communication métaphorique est l’apanage de nombreuses ethnies de par le monde. Les ethnologues le savent bien, qui sont parfois confrontés à une communication complexe et insaisissable.Tel a été mon cas dans nombre de situations en Afrique. Je n’en citerai que deux exemples : chez les Baoulés du centre de la Côte d’Ivoire par exemple, ou en Afrique centrale chez les Banda, tout est comparaisons, allégories. L’utilisation dans la conversation de la parabole est également très répandue. On ne dit rien de direct, la parole est enveloppée dans des entrelacs pas toujours faciles à décrypter, elle est contournée…tout ceci parce que le rapport à l’Autre est un rapport de respect et que le respect suppose que l’on fasse attention à ne pas blesser celui qui est en face de soi.
    Attention ! on communique aussi de la même manière qu’en Occident, on utilise aussi un langage sans détour ; tout n’est pas tout le temps une communication métaphorique.
    Il y a aussi des considérations plus culturelles qui appartiennent à la genèse de l’ethnie pour expliquer l’usage de lae pensée métaphorique.
    JR

  4. Annie

    Merci pour cette analyse ethnologique enrichissante. Annie

Commentaires récents