La Vengeance du diamant rouge
Louise Diebold
Editions Vérone (2022)
(Par Annie Forest-Abou Mansour)
A la croisée des genres et des époques
La Vengeance du diamant rouge de Louise Diebold plonge le lecteur dans un univers imaginaire belliqueux, sombre et sanglant où les époques et les genres se mêlent, tissant le Xe et le XXIe siècle, la mythologie, la fantasy, le merveilleux, la science-fiction, l’épopée. De très nombreux protagonistes principaux et secondaires à la résistance, à la force et aux caractères exceptionnels, se croisent dans des intrigues et sous-intrigues multiples ayant pour arrière-fond, «le plus grand pays du monde», leitmotiv mélioratif qualifiant «la noble Russie» aux «vastes étendues de glace», à «l’inextricable blancheur enneigée», «aux somptueux paysages», aux sublimes et fascinants monuments : «Le Kremlin entouré de sa magnifique construction rougeoyante (…)», «la splendide place rouge de Moscou, la cathédrale Saint Basile, la cathédrale de l’annonciation avec ses magnifiques dorures». Mais la puissante et sinistre secte des Mélanov fait régner la terreur sur le beau royaume. Elle a même désormais envahi l’Europe et «dévasté le manoir des Corindyre» situé au sein de la Nouvelle-Aquitaine française, assassinant la famille royale.
Grâce à la puissance et aux pouvoirs du diamant rouge, la fille, Eléonor Aliénor de Corindyre, violemment poignardée, ressuscite. Alors que tout le monde la croit morte, «c’est dans le plus grand pays du monde que la martyre s’est réfugiée, au coeur du district du nord Caucase au sein du couvent Hlodowig, caché derrière les hauts sommets de la chaîne du Caucase, sur le mont Elbrouz». Amnésique, désormais prénommée Anastasia Pétrichov, la jolie et très jeune femme aux cheveux roux, « encore plus beaux qu’un crépuscule en automne », protégée par Mère Esther, supérieure du couvent Hlodowig, est entraînée et préparée par Liouba Pétrichov, une conseillère sage et expérimentée, à la révolution contre les Mélanov. Outre ses futurs combats, Anastasia, alias Eléonore Aliénor de Corindyre, part, dans une quête exaltée, tout à la fois à la recherche de son passé, d’un légendaire manuscrit et du diamant rouge dont elle est l’élue.
Un maelström cauchemardesque
Louise Diebold jongle avec le temps, construit une intrigue aux multiples épisodes imprévus, maintenant une action mouvementée aux nombreux rebondissements sertis de motifs récurrents comme la couleur rouge omniprésente, symbole de la violence et de la colère, comme les gemmes, émeraudes, saphirs, aux multiples pouvoirs, déclinaison du diamant rouge. Avec un rythme narratif trépidant, frénétique et accéléré, les péripéties se succèdent promptement, les voix narratives se croisent. Trahison et fidélité, Bien et Mal se tissent. Les actions s’enchaînent et se déchaînent données par une accumulation de verbes de mouvement, de substantifs et d’adjectifs hyperboliques. Les coups de théâtre se multiplient dans un maelström cauchemardesque. Les actes brutaux insoutenables (tortures physiques, psychologiques, conditionnement, coups, meurtres…) prolifèrent, sanglants, se conjuguant à la violence des éléments et de la nature : «Les forces de la nature se réveillent et manifestent leur colère», «la terre se met soudain à trembler», «Le tremblement de terre devient si intense qu’il entrave l’avancée de Liouba, le bruit sourd et surpuissant de la colère tellurique envahit tout», «des crevasses saillantes de roches en fusion déchirent la terre glacée»… La nature furieuse s’unit («La forêt est notre complice de dissimulation») ou s’oppose aux personnages. Le diamant personnifié se transforme en monstre sanguinaire, opposant ou adjuvant : «le diamant rouge contient une magie puissante qui fusionne avec nous, cela nous rend surhumain et invulnérable». Tout devient grandiose sous la plume de Louise Diebold qui immerge le lecteur en pleine épopée où dieux, démons, hommes, (surtout des femmes dans La vengeance du diamant rouge) et nature combattent dans un univers héroïque et merveilleux redoutable.
L’écriture de la violence
Le récit non seulement met en scène des combats gigantesques acharnés, exhibant la violence, mais il l’évoque, l’implique aussi par des images et un lexique violents. Comme le fait remarquer Babouchka, la guérisseuse, grand-mère de Liouba et de Casimir, «les mots sont les armes les plus mortelles car elles sont invisibles et pénétrantes». Les comparants sont couramment des objets cinglants, tranchants, brûlants, assourdissants, concrétisant la brutalité. Une violence intérieure impérieuse agite Eléonore Aliénor. L’écriture s’emporte, tourbillonne faisant ressentir au lecteur cette impétueuse violence, toutefois estompée quelquefois par des parenthèses amoureuses intenses entre l’héroïne et Apollinaire à la « beauté sans pareil », « beau comme un dieu », (petit clin d’oeil au dieu Apollon !)
Dans La vengeance du diamant rouge, Louise Diebold, à l’imagination fertile, à l’écriture jubilatoire et esthétique, puise ses sources dans différents mythes, tisse la fantasy et le merveilleux, mélange les temporalités. Sa saga riche en suspense saura plaire aux jeunes et aux moins jeunes. Un simple regret : il est dommage que Louise Diebold ait quelques problèmes avec la conjugaison et l’emploi du passé simple, préjudiciables à la beauté de son texte.
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