La Traversée
Francis Denis
Le chasseur abstrait éditeur (Juin 2013)
(Par Annie Forest-Abou Mansour)
La nouvelle lyrique et poétique de Francis Denis, La Traversée, évoque la fuite de villageois en péril, armés « d’arcs et de pieux effilés », venus d’un lointain passé et d’un pays imprécis. Ces fugitifs émouvants et fragiles comme le prouve le champ lexical de la vulnérabilité lorsque le narrateur décrit les jeunes enfants tant aimés par leurs parents (« leurs petits cœurs », « leurs frêles tempes », « la peau fine et transparente », « rêves innocents », « bras fragiles ») en proie à des prédateurs cruels (« Les prédateurs ont fui, emportant leur proie sans remords ») partent vers l’inconnu. La fuite de ces familles vibrant d’amour permet la dramatisation de leur voyage dans une nature tout aussi hostile que les assaillants : « Le soleil (…) vient lécher de ses flèches éblouissantes nos ombres et nos corps qui se meuvent au milieu d’une nature sauvage et imprévisible ». Cette fuite imposée, « Le village serait devenu leur tombe », vers l’inconnu, présente une forte intensité dramatique. Elle dénonce la violence et ses conséquences tragiques : « chanson de l’enfance perdue, d’un monde assassiné ». A l’ambiance onirique, comme hors du temps, se superpose l’Histoire réelle vécue par de nombreux êtres humains d’hier et d’aujourd’hui déracinés à cause de la guerre, de la violence et de la haine, partant à la recherche de la liberté et de la sécurité.
L’esthétique de l’écriture de Francis Denis, de ses métaphores, de ses comparaisons comme « son corps d’enfant s’effeuille au rythme de leur avancée, « Ils sont comme un champ de fleurs pourpres qui plient sous l’orage », secoue la torpeur où nous englue le réel et nous dévoile sa beauté malgré toutes les abominations qui peuvent exister.
La Traversée démontre que l’horreur de la violence ne pourra jamais tuer l’amour qui scintille dans tout être humain, la Beauté qui réside dans l’Art, qu’il faut garder confiance et comme Petite Fleur « tend(re) (les) bras pour atteindre le rêve universel ».
cela me rappelle qu’il y a une population ethnique qui parle par métaphores : les Baoulés de Côte d’Ivoire. C’est un langage singulier pour les rationalistes que nous sommes. Mais tellement plus proche de la beauté.
Merci Annie pour ces commentaires éclairés.
JR