La Fille du puisatier
Un film de Daniel Auteuil
Au cinéma le 20 avril 2011
(Par Annie Forest-Abou Mansour)
Après la réalisation de Marcel Pagnol, parue en 1940, avec Raimu et Fernandel pour acteurs principaux, Daniel Auteuil offre au spectateur une magnifique relecture moderne de La Fille du puisatier.
Patricia (Astrid Bergès-Frisbey) est jolie, éduquée, pure comme l’eau de la rivière qu’elle doit traverser pour porter le déjeuner à son père. Elle est l’aînée des six filles de Pascal Amoretti (Daniel Auteuil), un puisatier veuf qui fore les nappes phréatiques à la recherche de cette eau si rare en Méditerranée. Après avoir été confiée toute petite à une famille parisienne en mal d’enfants, elle revient, pleine de distinction, vivre dans sa famille. Un jour, en portant le repas à son père, elle rencontre un charmant jeune homme, Jacques, (Nicolas Duvauchelle), fils de petits bourgeois aisés et méprisants (Sabine Azéma et Jean-Pierre Darroussin).
Située juste avant la Seconde Guerre Mondiale, l’intrigue, qui ne pourrait montrer qu’un mélodrame sentimental entre une jeune fille pure et naïve et un séducteur riche et beau, se transforme très vite en drame familial, social et historique sur un fonds de guerre, de lutte de classes et de prémices du féminisme. L’histoire amoureuse et familiale se donne rapidement sous la figure de l’absence : absence de l’être aimé, du fils, à cause de la guerre. Le père écrasé par le joug des traditions rurales peine à supporter la honte due à l’affront d’une maternité hors du cadre du mariage et le regard humiliant des autres. Blessé, sous une apparence hargneuse, il conserve amour et tendresse pour sa « princesse » et surtout pour son petit fils, le garçon tant désiré qu’il n’a pas eu. Daniel Auteuil incarne à merveille l’homme du terroir : un homme du début du vingtième siècle, imbu d’honneur, de fierté et de morale, au caractère trempé de cette terre sèche et ingrate. Le spectateur suit avec tendresse son cheminement, son évolution. Pascal Amoretti mute sa colère en amour tendre et possessif, s’appropriant son petit fils pour assouvir son désir frustré d’un fils et assumer son rôle de patriarche. La petite jeune fille craintive, exclue du monde de la parole et des décisions, quant à elle, elle ose à la fin s’affirmer, annonçant ainsi la future émancipation de la femme.
La narration filmique mêle les genres et les registres. Daniel Auteuil emporte le spectateur dans une intrigue où se conjuguent avec finesse et poésie, l’humour, l’émotion et le pathétique. La réussite du film réside dans l’équilibre subtil entre la pudeur des sentiments et des gestes, la réflexion, la gravité et le rire.
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