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La conscience métisse

17/06/2012 | Livres | 0 commentaires

 

La Conscience métisse

 

Daryush  Shayegan

 

Albin Michel (Bibliothèque Idées) 2012

 

 

 

 

 

(Par Mireille Bourjas)

 

 

 

    Couverture de l'ouvrage.jpgDaryush  Shayegan,  philosophe iranien, spécialiste de l’hindouisme et du soufisme  qui a déjà  publié de nombreux ouvrages en français,  Hindouisme et Soufisme,  Qu’est ce qu’une révolution religieuse ?, Le Regard mutilé et La Lumière vient de l’Occident,   essaie,  dans son dernier ouvrage  La Conscience métisse,  de penser le monde d’aujourd’hui entre le rationalisme des Lumières, les traditions religieuses et prophétiques et l’exigence démocratique.

 

    A la suite des printemps arabes, de leur déroulement, de leurs aspirations et de leurs conséquences possibles, Daryush  Shayegan se demande s’ il y a vraiment une civilisation planétaire, avec d’un côté l’occident, ses idées plus ou moins libérales, sa remise en cause permanente, son économie de marché , sa réussite économique…et de l’autre l’émergence de sensibilités qui revendiquent le legs du passé, le souvenir des identités oubliées sous les sables de la mondialisation. A l’heure d’internet, il essaie de montrer que quelle que soit nos particularités religieuses ou culturelles, il y a des valeurs, celles des Lumières, entre autres, qui transcendent les particularismes nationaux et ethniques et qui concernent toute l’humanité, dans son ensemble. Ces valeurs nées issues des mutations scientifiques et modernes de l’Occident, se sont répandues sur la planète entière et ne sont plus l’apanage d’une seule civilisation. Cela peut créer un repli sur soi, du ressentiment…mais en même temps, des zones d’hybridation où toutes les identités se croisent pour créer des configurations nouvelles, des métissages. : « Accepter la diversité culturelle ne veut point dire que nous avonsaffaire à des cultures autonomes, en dehors de l’interconnectivité qui nous relie tous dans une civilisation mondialisée. Cela veut dire que les cultures sont des continents de sensibilité particulière, des climats d’être qui,  pour vivre et s’épanouir, se nourrissent du dialogue de l’homme avec lui-même, avec son âme et son passé immémorial. »On a l’impression que la conscience  humaine est devenue un arc-en-ciel composé de toutes les strates de la conscience, du chamanisme aux derniers avatars de la virtualisation.

 

 

 

     Daryush  Shayegan  parle de la renaissance des religions, en particulier des fondamentalismes d’un autre âge, des métamorphoses du sacré après, premièrement le choc cosmogonique où l’homme apprit qu’il n’était plus le centre de l’univers, puis  le choc biologique lui montrant qu’il descendait des singes anthropoïdes et pour terminer le choc psychologique qui lui permit de se rendre compte que son ego reposait sur un océan de forces inconscientes et irrationnelles. « Dans La lumière vient de l’Occident, j’écrivais : « Le monde chaotique dans lequel nous vivons me semble être le point de convergence de trois phénomènes concomitants qui sont en quelque sorte interdépendants : le désenchantement, la destruction de la raison classique et la virtualisation. »

 

S’en suivent toute une série de réflexions  : Comment peut –on philosopher ailleurs qu’en Occident ?  « La philosophie en tant que questionnements successifs de la pensée se déroulant dans l’histoire et visant à chercher le fondement du monde sans que celui-ci ait été déterminé par une religion spécifique, la philosophie comme discipline autonome de la pensée, est unphénomène strictement occidental. » Comment peut-on penser l’art ailleurs qu’en Occident ?  Dans les sociétés orientales « le domaine esthétique n’ajamais été une discipline indépendante, en tant que savoir autonome ; il n’a jamais été séparé de la religion et de la tradition, il a toujours fait partie d’un tout indissociable. »

 

     

 

     Daryush  Shayegan   n’oppose jamais les civilisations entre elles, mais il définit, à l’heure d’internet et des effets de maillage et de simultanéité qui en découlent, une nouvelle configuration de la pensée nomade qui déjoue les amalgames politiques, les ankyloses identitaires.

 

    Homme de cultures métissées, grand érudit et connaisseur hors pair de la pensée occidentale et orientale, Daryush  Shayegan    jette un pont entre les cultures depuis plus de trente ans. Il est, par ses immenses connaissances,  un penseur phare de notre monde métissé, “un penseur de l’âme“, comme l’un de ses maîtres Henri Corbin.

 

 

 

 

 

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