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Isabelle Eberhardt, Oh cet ultra d’abîme ! Karima Berger

28/05/2011 | Livres | 0 commentaires

 

 

Isabelle Eberhardt, Oh cet ultra d’abîme !
Karima Berger
paru  dans Le Voyage Initiatique, ouvrage collectif (Albin Michel, mai 2011).

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

 

image voyage initiatique.jpgDans une envolée lyrique, poétique et rimbaldienne, « Je deviens Isabelle », Karima Berger raconte la courte vie extraordinaire et fascinante d’Isabelle Eberhardt en lui donnant sa voix. Isabelle Eberhardt était une voyageuse, un écrivain prolixe de la fin du XIXe siècle, convertie à l’islam, s’habillant en homme algérien pour préserver sa liberté : « habillée en homme, ce sera mon voile, un voile intérieur qui saura détourner le regard de moi, moi, être passant et éphémère, ce sera mon voile mystique ». Elle était, comme le dit son frère Lyautey,  « hors de tout préjugé, de toute inféodation de tout cliché (…) pass(ant) à travers la vie, aussi libérée de tout que l’oiseau dans l’espace ».
Avec un style plein de finesse et d’esthétique, Karima Berger ressuscite  Isabelle Eberhardt, dévoilant sa personnalité complexe et multiple  où la sensualité se mêle à la spiritualité. Elle saisit le mécanisme de sa pensée, de ses désirs, de ses rêves. Karima Berger propose une biographie originale et novatrice, loin de sa forme traditionnelle. C’est Isabelle qui parle, qui se présente : « Je suis née à Genève, je suis ‘fille du hasard’, et j’ignore tout de ma naissance, je n’ai pas de nom sinon celui de ma mère… »
.Le « je » de la narratrice et d’Isabelle se mêlent,  se superposent, s’enchâssent. Peut-être parce que Karima Berger retrouve une part d’elle-même dans cette artiste  ouverte,  cultivée, libre, dans cette femme exilée totale : loin de son pays, loin de sa féminité « je me promène en garçon », mais pourtant pleinement femme. Isabelle Eberhardt, femme moderne avant l’heure,  transgressait tous les tabous : se déguisait en homme, critiquait le colonialisme. Cette femme aux multiples noms : « Meyriem, Nadia, Podolinsky, abdallah, mahmoud… » , totalement libre :  « Mes noms multiples (…) me permettent de filer entre les doigts de ceux qui veulent m’enfermer » ne recherchait pas l’exotisme, la surface de l’Ailleurs. Elle s’intéressait à la culture de l’Autre, s’y intégrait, la comprenait. Elle véhiculait la sagesse de l’Orient, harmonisant l’amour humain et l’amour divin.  Isabelle Eberhardt a effectué un véritable voyage initiatique dont on ne revient pas. La brûlure intérieure qui la consumait sera éteinte par l’inondation finale : « Le désert m’a écrit, il est mon tombeau. Il me fallait l’eau pour éteindre l’abîme de  feu en moi ». La réalité devient mythe sous la plume sublime de Karima Berger.

 

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