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Coups de pilon

6/10/2011 | Livres | 3 commentaires

 

Coups de pilon 

David DIOP

Edition Présence Africaine (2002)

 

(Par Joëlle Ramage)

 

genere-miniature.aspx.gifCe n’est pas un livre récent mais un livre puissant, puisqu’il s’agit de l’unique recueil poétique d’un homme qui a voulu pousser, à travers ses écrits,à la fois un cri de révolte contre le colonialisme et contre ses méfaits multiples (violence, assimilation, abâtardissement, aliénation, etc.) et une revendication du droit à la différence, à la « reconnaissance » par l’Autre. Professeur de Lettres, David Diop – décédé trop jeune, à 43 ans, dans un avion qui se crashe au large du Sénagal – est en effet un poète engagé qui a mis son talent pour la poésie au service de la lutte anticolonialiste et de la libération des peuples africains. Ainsi, il a su être mordant pour ceux des Africains qu’il considérait comme des valets du colonialisme : « Mon frère aux dents qui brillent sous le compliment hypocrite, sur les yeux rendus bleus par la parole du maître, mon pauvre frère au smoking à revers de soie ». Par sa poésie, sa passion, son engagement, la fougue de la jeunesse, les appels à retrouver la dignité perdue, David Diop a profondément marqué son époque.

 

Douter, souffrir, haïr mais aussi être certain de l’avenir, espérer, aimer son prochain et pousser son frère à retrouver son identité, à recouvrer son moi, à agir, à dire non quand il le faut, à arracher sa liberté à l’Autre, voilà le rôle du poète tel que le montre sa poésie. David Diop est de cette race de poète engagé au sens double du terme : sa poésie met en scène ses convictions politiques et intellectuelles. En témoigne ce qu’il a déclaré à propos du régime colonial : celui-ci « reposant sur l’exploitation économique et la falsification historique », a toujours donné la priorité à ses valeurs : « Hypocrisie donc que de parler de symbiose de civilisations, de profits réciproques dans une communauté dont les universités ignorent jusqu’aux noms de nos grands penseurs et passent sous silence l’histoire de nos empires. Seuls peuvent s’en accommoder les tenants d’un cosmopolitisme culturel habillé d’oripeaux exotiques ».

David Diop doit également beaucoup à Aimé Césaire. Il lui doit jusqu’à la manière de percevoir le concept de civilisation lié à l’idée de progrès économique et scientifique et de développement. Etant pour l’auteur un instrument de combat, la poésie sert donc non seulement à expliquer l’origine du déchaînement des haines et des violences entre les races noire et blanche mais aussi à fustiger toutes les formes d’injustice perpétrées dans le monde.

La parole de David Diop témoigne de ce lieu admirable, difficile et tellement rare qui réunit la savante maîtrise du verbe et l’incroyable profondeur de l’émotion. L’écrivain savait l’Afrique par coeur, au plus profond d’elle-même, en ses sources vives, en son peuple, c’est-à-dire en sa vérité. Il la connaissait en sa fragilité et en ses caricatures, avatars d’une Afrique vendue et exploitée aux marchés de l’Histoire.

 

Il n’est que de se souvenir de l’un de ses plus précieux poème : « Afrique mon Afrique » :

 

 

Afrique

Afrique mon Afrique

Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestrales

Afrique que chante ma grand-mère

Au bord de son fleuve lointain

Je ne t`ai jamais connue

Mais mon regard est plein de ton sang

Ton beau sang noir à travers les champs répandu

Le sang de ta sueur

La sueur de ton travail

Le travail de l’esclavage

L`esclavage de tes enfants

Afrique dis-moi Afrique

Est-ce donc toi ce dos qui se courbe

Et se couche sous le poids de l’humilité

Ce dos tremblant à zébrures rouges

Qui dit oui au fouet sur les routes de midi

Alors gravement une voix me répondit

Fils impétueux cet arbre robuste et jeune

Cet arbre là-bas

Splendidement seul au milieu des fleurs

Blanches et fanées

C`est L’Afrique ton Afrique qui repousse

Qui repousse patiemment obstinément

Et dont les fruits ont peu à peu

L’amère saveur de la liberté.

3 Commentaires

  1. Iris

    Très émonnionnant à lire.

  2. Iris

    Très émonnionnant à lire.

  3. Annie

    Merci beaucoup pour votre message

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