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A la fenêtre de mon âme

19/02/2019 | Livres | 1 commentaire

A la fenêtre de mon âme
Catherine Mauger-Trouiller
Editions CMT (2017)

(Chronique pour cet ouvrage en attente d’une réédition)

 

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

 

    Image fenêtre.jpeg Le titre de l’opuscule poétique de Catherine Mauger-Trouiller, A la fenêtre de mon âme,  annonce un recueil introspectif prenant sa source dans la subjectivité et la vision du monde de la poétesse. La fenêtre est un objet symbolique fort : cadrage visuel autour d’un tableau, espace de contemplation,  accès sur l’extérieur et sur l’intérieur,  sur l’altérité de l’univers et sur l’intériorité du sujet,  repli sur soi, ouverture au monde. De cette fenêtre, dans un monde en souffrance,  la poétesse  sonde son âme, sa vie intérieure, son cœur  dans des discours ailés et lyriques, poèmes en prose-prose poétique, fragments légers aux vers libres, morceaux épars, distiques, convoquant des images christiques (« Ses sépales ouverts en étoile, bras étendus, m’éclairent soudain sur le mystère de la croix »), naturelles (« deux glands dorés, deux marrons d’inde, un tout jeune fuit de magnolia (…) », animalières (« papillons rescapés », « colombe »)… Le quotidien s’arrache de sa matérialité par la distanciation d’une écriture esthétique et envoûtante.

    Loin de l’engluement dans un  monde matériel fallacieux accablé par la douleur et le mal (« Le monde va mal. / Il s’illusionne, / il souffre, / il pleure, / il crie de douleur »), l’âme s’élève,  sort de ses limites individuelles, délivrée par l’art,  la Beauté et le souffle divin. Comme  dans L’âme, échanson de l’Esprit,  autre recueil de Catherine Mauger-Trouiller, paru en 2018,  l’âme va au-delà des apparences, accède au mystère des choses,  à une sorte d’essence, loin du matérialisme de notre société.

    Le monde, la réalité  ne sont  pas façonnés  pour l’âme fragile et tendre : « Avant même de pénétrer le jour, mon âme savait déjà qu’elle aurait à lutter, solitaire, dans la nuit froide et rude d’un monde qui n’est pas le sien ». Ce monde n’est pas conçu pour elle : « Cette maison n’est pas ta maison. / Tu n’es pas de ce monde ». L’âme délicate souffre d’entendre les  humains crier leur douleur : « Elle perçoit infailliblement le cri jaillissant de l’enfer de notre condition humaine (…) ».  Mais au fil du temps, (« D’année en année, de siècle en siècle, de vie en vie, ainsi mon âme pérégrine a cherché sa source dans les labyrinthes du monde…. »),  au fil des pages, au fil des poèmes,  l’âme évolue, acquiert confiance.  Elle lutte  malgré « le moi terrestre » qui la tient captive et malgré l’amnésie procurée par la gorgée  bue « à la coupe grisante des eaux du Temps ».  Puis des « Ricochets de mémoires », des souvenirs, par bonds légers  rejaillissant,  affleurent,  et le miracle se produit, triomphant : « Il y a des traversées de la nuit suivies d’aurores incandescentes. / L’âme est repêchée, tel Lazare ressuscité ! / Miraculeux sauvetages ! ».

    Derrière la noirceur du monde et toutes ses difficultés se cache une intense, divine, lumineuse et merveilleuse  beauté (« Saisissante beauté ! »), une Lumière d’Amour, de paix, de  grâce, de fraternité : « Inattendue, la grâce fait irruption dans l’âme et la met en relation avec un autre ailleurs » permettant l’accès à un ailleurs sublime de «  joie ineffable ». Un puissant souffle divin permet d’atteindre les « tréfonds de la grotte obscure du cœur », d’appréhender toutes les beautés intérieures et extérieures, d’accéder à une sorte de dépassement, de vertige de la totalité, d’entrer « dans le courant d’Amour universel de la Vie ! »,  de trouver le bonheur, d’accéder à la révélation.

     Derrière l’unique, la narratrice perçoit le Tout. L’ami français  « racont(ant) son voyage »  devient autre. Il est arraché à lui-même. « Ses yeux s’étirent en amande, minuscule et rieurs. Les pommettes deviennent plus saillantes et bombées comme de petites balles de ping-pong ». A travers le portrait animé de ce voyageur, la poétesse discerne la beauté d’un pays : « Tous les atomes du visage soudain se dissocient comme éparpillés par une brise légère pour aussitôt s’assembler en une forme nouvelle. (…)  Devant moi le portrait vivant d’un chinois venu de Chine ! ».  Derrière  la platitude, la médiocrité, se trouve le merveilleux : « Une porte soudain s’entrebâille, telle une brèche ouverte dans un vieux mur en pierres qui laisse entrevoir un jardin de merveilles ». L’écriture poétique révélatrice de l’acuité de la vision de la poétesse permet l’accès à l’Essence.

       Isolé sur une page blanche, – silence immaculé, paix des yeux et du cœur -,  chaque texte parfois interrompu par une citation de J. Krishnamurti, de Saint-Exupéry, de Christian Bobin… ou  une photographie, emblème de la beauté éphémère (la rose) ou de la paix (« une colombe (qui) se profile sur le sol du salon inondé de lumière (…) ») conjugue poésie, philosophie, réflexions personnelles, confidences : « C’est ainsi qu’à vingt ans je quitte la maison familiale pour une impérieuse question de vie ou de mort ».  Tous ces textes  offerts par une narratrice pénétrée d’humilité sont des hymnes à la nature, à la Beauté, au souffle divin,  au sens de la Vie. Le sens de la vie enfin compris dans l’Eternité et la chaleur divine, la mort acceptée comme partie intégrante de cette vie : « La mort ? / une évaporation de matière. // La vie ? / une condensation de l’Esprit / dans la matière. // L’éternité ? / un omniprésent vivant. / L’éternité EST dans le temps. ». A l’issue de  sa quête, de ses  déambulations poétiques, la narratrice a trouvé sa source au cœur de son âme et  rencontré la paix intérieure. Elle peut alors entrer, l’âme et le cœur gorgés de bonheur,  « dans le courant d’Amour universel de la Vie ! » et participer aux forces de la Nature.

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1 Commentaire

  1. Catherine M.T.

    Je viens de découvrir la publication…
    Un très grand merci Annie pour cette belle chronique !
    Votre attention soutenue, bienveillante, et votre grande sensibilité à l’Autre me touchent beaucoup !
    Amitiés
    Catherine