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Evasion à perpétuité. Thierry Luterbacher

23/12/2011 | Livres | 0 commentaires

 

Evasion à perpétuité
Thierry Luterbacher
Bernard Campiche Editeur (Août 2011)

 

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

 

 

 

Evasion_a_perpetuite–vignette.jpgLa jaquette du roman Evasion à perpétuité de Thierry Luterbacher offre au lecteur une peinture à l’acrylique de l’écrivain. Cette toile concrétise les concepts d’évasion et de manumission avec lesquels le romancier joue dans tout l’ouvrage qui constitue un véritable hymne à la liberté, à l’amitié, à la vie.  Deux  poissons, un  rouge et un  bleu, symboles d’une liberté totale, nagent en plein air.  Cernés par la luminosité du jour, ils se détachent, lignes courbes et souples,   à l’extérieur de l’obscurité, hors d’un intérieur fermé par les lignes droites et rigides d’une fenêtre et d’une porte sombres. Ce petit fretin ne représente-t-il pas Emile Thyphon, le héros absent intensément présent du roman  en perpétuelle quête de liberté ?

 

Evasion à perpétuité évoque la « la bande du Foyard…Odile, Angèle, Louis, Arthur, Théodore, Philippe, Thomas, Paul, Lison, Joseph, Margaux et Emile. », un groupe d’amis fidèles et dévoués qui  « s’était constitué() naturellement autour d’Emile dès la petite enfance». Le lecteur voit, entend Emile à travers la voix et les yeux présents et passés de  ses amis, à travers leurs bribes de vie simple,  laborieuse et surtout  monotone sans lui.  Emile est un hors la loi.  Cependant, il «n’(a) jamais tiré sur personne ». Il agit pour « la beauté du geste », pour se prouver qu’il est libre et pour le rester. « Voler (…) Un beau mot, pensait-il, un sens complète l’autre. Voler en volant… ». Assailli de défis, Emile refuse d’être sous l’emprise des carcans de la société, de ses contraintes arbitraires : « il est moins dur à payer que de passer sa vie sur du vide derrière un bureau ou une chaîne de montage… c’est ça la prison à vie. Moi, si je suis condamné à perpétuité, c’est à l’évasion ».  Mais surtout Emile, pour les habitants de son village, pour ses amis, est un « mythe ». Un simple de ses regards apporte réconfort, bonheur. Emile transfigure le réel et les êtres : « Les yeux d’Emile disaient qu’il suffisait de croire que la vie pouvait être extraordinaire pour qu’elle le devienne ». Il existe tout un pouvoir rédempteur, salvateur chez ce hors la loi  doté d’ «une aura mystérieuse ». « Sa  présence dissolvait l’ennui, anoblissait l’existence de celui qui se pensait moins que rien, persuadait de sa beauté celle qui se trouvait laide. Il suffisait de rencontrer Emile et un quelque chose d’indéfinissable enchantait la journée la plus morose.  (…) « Emile sacralisait les anonymes, les forçats de la routine… ». « Le miracle d’Emile, c’est qu’il rendait les gens extraordinaires ».  Paradoxalement, tout un aspect christique règne en  lui. Comme le Christ, Emile apporte la joie, l’espoir, le réconfort, le soutien. Il aide les plus démunis. Les nombreuses connotations religieuses le concernant (« Emile était le paradis et auprès de lui, on devenait le paradis. Les limites du bien et du mal disparaissaient » insistent sur cette personnalité généreuse, altruiste opposée à la morale traditionnelle de la société : « il affranchissait chacun des lois  immuables de la contrainte, de la morale, de ce qui se faisait et de ce qui ne se faisait pas ». Les derniers mots d’Emile sont  même ceux de Jésus : «Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. ». Le narrateur insiste maintes fois sur cet aspect rédempteur : « La rédemption n’était pas pour Emile de porter l’iniquité de nous tous mais de nous délivrer en se chargeant des rêves du monde »

 

Dans cet ouvrage où les valeurs sont inversées,  une écriture poétique (« … la broderie du  gel (…) enrobait les arbres dénudés avec, au- dessus, l’espace immense aux fondus gris et bleus vibrant de cristaux ») et une écriture blanche s’imbriquent, rythmée par des lambeaux de chansons (« tout doucement sans faire de bruit »),  parsemées de  quelques mots familiers qui font dérailler le texte en introduisant une note réaliste. Evasion à perpétuité de Thierry Luterbacher est un livre plein d’espoir et de beauté car il parle de l’amitié lointaine d’un groupe de jeunes épris de liberté.

 

 

 

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