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Un spectacle et un livre

16/04/2012 | Evénements, Livres | 0 commentaires

Actuellement à l’affiche

au théâtre Antoine

14 boulevard de Strasbourg

75010 Paris

Inconnu à cette adresse
avec Nicolas Vaude et Thierry Fremont

de Kressmann Taylor, mis en scène par Michèle Lévy-Bram

 


 

Inconnu à cette adresse
Kressmann Taylor
Editions Autrement  (2012)

 

 (Par Joëlle Ramage)

 

 

 

inconnu-a-cette-adresse-kathrine-kressmann-taylor-9782746702806.gifPublié en 1938 dans le journal américain Story Magazine, c’est-à-dire en pleine ascension d’Adolph Hitler, l’ouvrage de Kressman Taylor est un texte choc. De par sa densité et son efficacité, l’échange épistolaire entre Martin Schulse, galeriste américain retourné dans son Allemagne natale et Max Eisenstein, son associé et ami resté aux Etats-Unis, s’avère prodigieusement machiavélique au fil des correspondances. De lettre en lettre, on sent en effet que les événements politiques de la vieille Europe vont contribuer peu à peu à déchirer les protagonistes. La profonde amitié entre les deux hommes va souffrir de la situation politique de l’Allemagne et cette amitié fraternelle va se déliter et s’assécher au fil du temps. A l’aulne de la vingtaine de correspondances que les deux amis s’échangeront entre 1932 et 1934, on assiste à une lente mais inexorable rupture, servis par des pensées qui ne sont pas sans nous laisser des interrogations et un goût amer. Peut-être ce récit nous rappelle-t-il tout simplement que, quel que soit le siècle ou le lieu, l’intolérance et le fanatisme sont malheureusement des constantes bien humaines.

Eisenstein découvre, entre les lignes de la correspondance qu’il reçoit de son ami Schulse, que celui-ci est en train de devenir un adepte de l’hitlérisme triomphant : « Franchement, Max, je crois qu’à nombre d’égards Hitler est bon pour l’Allemagne (…). L’homme électrise littéralement les foules ; il possède une force que seul peut avoir un grand orateur doublé d’un fanatique. […]Ici en Allemagne, un de ces hommes d’action énergiques, essentiels, est sorti du rang. Et je me rallie à lui. »

Puis la force de conviction nationale-socialiste de Schulse prend des allures beaucoup plus explicites et nettement plus incisives au fil des correspondances, qui pourrait aisément être assimilée aux premières grandes idées judéophobes du XVème siècle sous la plume de Martin Luther : « Tu dis que nous persécutons les libéraux, Max, que nous brûlons les livres. Tu devrais te réveiller : est-ce que le chirurgien qui enlève un cancer fait preuve de ce sentimentalisme niais ? Il taille dans le vif, sans états d âme. Oui, nous sommes cruels. La naissance est un acte brutal; notre re-naissance l’est aussi. »

 Pourtant, au nom de l’amitié qui les a unis, il n’y a pas si longtemps encore, Max insiste. Il demande même à Martin d’aider sa petite soeur Griselle, qui est actrice dans un théâtre de Berlin… Quand les lettres qu’il adresse à Griselle lui reviennent, tout bascule irrémédiablement. Max répondra au Mal par la Vengeance…

 A travers cette correspondance fictive issue de faits réels, Kressmann Taylor, une américaine qui se dit être une simple « femme au foyer » nous révèle toutes les arcanes des êtres face à leur intériorité, dans ces contextes difficiles où l’Homme nous dit-on révèle sa véritable nature. De plus, l’Inconnu qui ne se révèle jamais, ajoute à la puissance de ce récit clair une force démoniaque.

 Joué très récemment au Théâtre Sainte Antoine à Paris, l’affiche de ce texte interroge le spectateur : en posant la question suivante : « Et quand l’horreur advient, le pardon est-il préférable à la vengeance ? »

 

 

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