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Tribulations d’un jeune homme en haute atmosphère

18/05/2012 | Livres | 2 commentaires

 

Tribulations d’un jeune homme en haute atmosphère
Philippe Maurin  
Editions les deux encres (2011)

 

 

 

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

 

 

    Tribulatiion image.gifSuivre « les tribulations d’un jeune homme en haute atmosphère », récit  éponyme de voyage autobiographique romancé   de Philippe Maurin, c’est s’embarquer vers un ailleurs vertigineux où les dimensions se creusent, la verticalité, la profondeur s’imposent : « j’entrevois un trou sans fond. Incroyable, ça descend à pic ! Si on tombe, c’est plusieurs centaines de mètres plus bas. Aucune chance d’en réchapper vivant ». Ce voyage effectué volontairement  dans des conditions inconfortables, « non seulement la piste est défoncée – nous voilà à nouveau ballottés comme du linge sale » dans un camion dont  l’animalisation montre toute   la difficulté à circuler  sur des routes sinueuses et quasiment impraticables : « le camion ne s’en tord pas moins dans d’atroces souffrances : ne serait-ce qu’à en juger par ses ruades, le propulsant d’un bord à l’autre de la piste et aux éclairs qu’il lance./ Quand ce ne sont plus que coups lourds et chocs métalliques, crissements lugubres dus, j’imagine, à la torsion extrême de ses parties vitales, je ne peux pas croire qu’il endure pareil traitement, sans rompre à un moment ou à un autre » donne à voir la Bolivie profonde.       
    Afin d’entrer en relation avec l’Autre,  de découvrir, connaître et  comprendre un milieu naturel et humain nouveau et différent, dans une région reculée, étrange et étrangère, Felipe, « Philippe » en français, double de l’écrivain,  choisit de partir pour   Villa Fatima  dans les mêmes conditions que les plus pauvres des autochtones : « des hommes, des femmes et des gamins en bas âge, dont une bonne moitié semble  être des paysans ». Felipe   n’est pas un simple touriste superficiel,  venu vivre quelques jours de loisirs dans une terre inconnue, passant à côté de la vie des populations locales.  Doté d’une attitude humaniste, du goût de l’imprévu,  ouvert à l’Autre,  disposé à dialoguer, à échanger avec les autochtones, il  effectue des rencontres authentiques et diverses avec plaisir et enthousiasme.  Expatrié,   vivant  et travaillant  à la Paz,  il  a  l’avantage de connaître des faits  dont on parle peu ou avec des clichés et que le lecteur lambda ignore. Espèce de picaro, il traverse, dans les années quatre vingt,  la Bolivie, montrant et dénonçant avec humour ce qui s’y passe : la pénurie alimentaire,  la corruption militaire et gouvernementale, le contexte historico-politique, le désir d’un peuple d’accéder à la démocratie… Il rend compte de la réalité dans un souci de vérité adoptant par moment la démarche du journaliste. Il théâtralise la Bolivie, plantant les décors, mettant en scène les Boliviens,  glissant dans son récit des substantifs  familiers,  des expressions et des  mots étrangers en espagnol, « en aymara, la langue de l’Altiplano » comme  « no hay, senor », « chola »,  s’inscrivant ainsi dans un projet réaliste.  Des détails pris sur le vif, apparentés à la photographie, prouvent son souci de donner à voir, à sentir, à toucher, à  goûter (« la soupe de l’ivrogne », « l’alcool de caïman »),  le plus petit élément original, le moindre détail. Mais son écriture réaliste passe par moment à une écriture esthétique, visionnaire, fantastique comme dans le portrait de la chola « assise à même l’étal de son royaume, (elle)  lève le masque hiératique de l’Indienne des hauts plateaux. Quand celui-ci s’anime d’une étrange façon.  Comme si perdant toute consistance, il se délitait, redevenait sable  et poussière ». Subitement, par la magie de la poésie,  la femme devient autre, se minéralise, disparaît.
    A cet espèce de voyage initiatique,  photographie magique d’une Bolivie mythique,  s’ajoute, à la fin de l’ouvrage,  le « voyage officiel » sorte de mise en abyme du premier.  Le narrateur voyageur devient, le temps d’une journée,  photographe : un photographe n’arrivant pas « à prendre le moindre cliché » ! Ce récit de voyage   non seulement plonge le lecteur en plein exotisme – dépaysement des sensations et des perceptions –   mais il le fait sourire en s’achevant   sur un clin d’œil humoristique.  

2 Commentaires

  1. LE DORZE

    J’ai lu cet ouvrage et je rencontre un autre lecteur tout aussi enthousiaste que moi, j’en suis ravie.
    je n’ajouterai rien d’autre à ce commentaire, tant il décrit avec grand talent les émotions qui m’ont envahie pendant ma lecture.
    Bravo à Philippe MAURIN et à très bientôt je l’espère avec une nouvelle parution.

  2. Annie Forest-Abou Mansour

    Merci beaucoup pour ce commentaire d’un lecteur amoureux d’ aventure et de liberté. Annie

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