Nos rires et mes larmes
Annick Chatelain Etienne
Vérone Editions (2016)
(Par Annie Forest-Abou Mansour)
Nos rires et mes larmes : l’antithèse « rires »/« larmes », les deux substantifs précédés du jeu des possessifs où la première et la deuxième personne sont unies tout d’abord allégrement dans le pronom pluriel « nos », opposés ensuite à la déréliction tragique donnée par le pronom singulier « mes » devant « larmes » suggèrent l’idée de la séparation inéluctable, de la mort. Le titre de l’ouvrage d’Annick Chatelain Etienne évoque d’emblée la solitude, la tristesse, la souffrance après le bonheur de la fusion amoureuse. Dans Nos rires et mes larmes, la narratrice propose au lecteur son histoire d’amour unique et exceptionnelle revue avec les yeux de la mémoire.
Dans son récit autobiographique émouvant, Annick Chatelain Etienne porte un regard sur son passé, son enfance, sa jeunesse et sur son amour exceptionnel avec Daniel. Tout différenciait ces deux êtres : l’âge, Daniel avait dix-sept ans de moins qu’elle ; la classe sociale, Daniel appartenait au monde ouvrier, elle, à la bourgeoisie aisée ; la distance géographique, Daniel « habitai ( t) un lieu-dit Couvain au fin fond de la Normandie », elle, le Sud de la France. Rien ne les prédisposait à se rencontrer. Annick vivait dans une immense propriété qui « s’étendait sur une quinzaine d’hectares de prés et de bois », dans le château de Vert, « une tour du XVIe aménagée en appartement, une ferme avec écurie, étable (…), un verger et un potager et, un peu à l’écart, la maison des gardiens », elle fréquentait de chics établissements scolaires huppés, frayait avec une jeunesse dorée qui menait une vie superficielle, profitait de loisirs onéreux : organisation de fêtes où « les jeunes filles étaient en robe de soirée, les jeunes gens en smoking », courses de voitures : « Nous étions plusieurs amis à posséder de superbes voitures de sport : Austin, Haley, Triumph, Alpha Roméo, MGB… elles étaient rouges ou vert foncé. Notre grand amusement était de faire la course entre la porte de Saint-Cloud et Dreux. » … Elle menait une vie facile. Lui, vivait dans des conditions modestes, dans une maison « sans confort : « il n’y a ni chauffage ni sanitaire » mais il était heureux. Malgré ces différences, une aspiration identique les unissait : tous deux rêvaient du grand amour : « je priais Dieu avec ferveur afin qu’il mette sur ma route le Grand Amour, un homme que j’imaginais d’une grande pureté, avec un cœur chevaleresque et une haute moralité. Rêve d’une union parfaite, rencontre de l’âme sœur. Mon Graal », « tu attends le grand amour. Un jour tu connaîtras la femme de tes rêves, l’Unique. C’est ta quête, ta certitude ». Ce rêve fabuleux va devenir réalité pour ces deux êtres romantiques au cœur pur. « Ses rêves d’amour éternel faisaient écho à mes rêves de princesse ». Grâce à leur rencontre, l’extraordinaire s’insère dans leur quotidien.
Alors que son divorce d’un premier mariage la plonge dans de nombreuses difficultés qu’elle surmontera grâce à sa force de caractère, à des amis aisés sincères et à « un solide réseau », Annick rencontre Daniel, de dix sept ans son cadet, un « beau jeune homme, au regard bleu lumineux », intelligent, courageux, travailleur doté d’un don d’écoute, d’attention aux autres exceptionnel. Et ce ne sera pas la différence d’âge qui choquera la fille d’Annick, – elle a quarante ans, lui vingt-trois -, mais son statut d’ouvrier peu fortuné. Dans la société actuelle, la place de la femme évolue, l’écart d’âge entre les conjoints en témoigne de plus en plus. Ce qui importe, c’est la personnalité de l’Autre, ses qualités, sa vision de la vie. Annick qui veut réussir « la deuxième partie de sa vie » est comblée par cet homme amoureux, capable de surcroît d’apprécier ses filles, de choyer ses petits enfants. La société ne constitue plus un obstacle à la passion entre deux amants dont la femme est la plus âgée.
Un amour merveilleux, absolu unit Annick à Daniel, « homme d’exception. Une âme éclairée ». Les connotations mélioratives, les adjectifs positifs, les superlatifs abondent pour décrire l’homme aimé. Cet amour transfigure la réalité et la vision qu’Annick a de cet homme. Mais la mort, une mort injuste, « la différence d’âge aurait voulu (qu’elle) meure la première », va détruire cette belle harmonie, la plonger dans une souffrance indicible, une solitude absolue : « Dimanche 27 janvier 2008 à 16h30 son cœur s’est arrêté de battre et le mien venait de voler en éclats, blessé pour toujours ». Annick décide alors d’écrire leur sublime histoire, leur bonheur intense, « de mettre des mots sur les maux ». Le récit de son amour est une façon de le préserver, de le conserver, de panser une cruelle blessure, « de supporter l’insupportable », d’immortaliser l’être aimé. La narratrice idéalise par la mémoire l’homme aimé à jamais disparu. Au moment où elle narre son histoire, elle souffre toujours. Daniel n’est plus. Tout ce qu’Annick raconte appartient à un passé révolu. La mort de Daniel est le point de fuite vers lequel tout s’oriente.
Ce récit biographique structuré, travaillé, – le début de chacun des premiers chapitres évoque l’enfance et la jeunesse d’Annick, la fin fait référence à Daniel, point d’orgue vibrant de cette histoire -, ce dialogue avec celui qui est parti, donnent vie à vingt-cinq années de bonheur. L’écriture, baume apaisant pour la narratrice, transcende le réel. Pour elle, la beauté fulgurante de ce vécu a transfiguré et illuminé la deuxième partie de sa vie avant d’aboutir à un événement romanesque.
Vous avez rendu de façon extrêmement émouvante cette belle histoire d’amour. Vous ne parlez pas du style, qui semble un peu ampoulé: est-ce par délicatesse?
Bonjour,
Merci beaucoup pour votre commentaire.
En effet, j’ai préféré ne pas parler du style qui me semblait, à moi aussi, un peu ampoulé.
Annie
livre sans ame, pretentieux car jusqu’a ecrire la marque de la poussette, des lunettes de soleil, un livre m’as tu vu et maintenant je dois ecrire poru avoir de l’argent car je ne sais pas travailler sinon