Mathias et le jeu des 7 erreurs
(Tome I : La vie bien ordinaire de Mathias)
Martin Bonnot-Rival
Les Editions Baudelaire (2024)
(Par Annie Forest-Abou Mansour)
Un ouvrage ludique
Mathias et le jeu des 7 erreurs (Tome I : La vie bien ordinaire de Mathias) de Martin Bonnot-Rival est un ouvrage ludique à mi-chemin entre la science-fiction et le fantastique. Facile à lire, apparemment naïf mais néanmoins empreint de lucidité, il transportera de jeunes lecteurs vers un idéal humaniste à travers un récit centré sur le point de vue du personnage principal, le généreux Mathias.
Un phénomène étrange dans un univers ordinaire
Dans Mathias et le jeu des 7 erreurs, le lecteur suit les événements vécus par Mathias durant une vingtaine d’années. Au début du roman, Mathias un jeune professeur rationnel, altruiste, doté d’une grande sensibilité enseigne la SVT dans le collège Antoine-de-Saint-Exupéry d’une petite bourgade située à une centaine de kilomètres de Lyon. Mathias mène une vie banale, paisible, bien organisée et bien réglée en compagnie de Sultan, son « beau chien bringé » et de Mirette, sa petite chatte. Or, un matin, alors qu’il sort comme à l’ordinaire son chien, il constate avec étonnement que sa concierge, son voisin, puis d’autres personnes de son quartier marchent « à reculons » : « C’est surprenant, je ne rêve pourtant pas, et j’ai, de surcroît, passé une excellente nuit… Je ne suis pas fatigué, ni déprimé, du moins me semble-t-il !?, « Pourtant, je n’ai pas consommé de champignons hallucinogènes !?… ». Seuls les enfants et les animaux marchent normalement ! Ce phénomène étrange, en tant qu’élément perturbateur du récit, bouleverse la situation initiale bien ordonnée du schéma narratif et insuffle un souffle nouveau au déroulement de l’histoire.
L’accélération du rythme narratif
Quelques jours plus tard, lors d’une sortie pédagogique avec ses élèves, le jeune enseignant rencontre Justine, une bénévole venue encadrer le groupe. Justine devient très vite sa compagne puis la mère de ses enfants. Il fait aussi la connaissance de Jean-Eude, le cousin de Justine, psychochirurgien à l’hôpital Grange-Blanche de Lyon. Voulant percer le mystère des nombreuses personnes évoluant bizarrement à reculons, il s’enquiert d’abord auprès de la police qui n’a rien constaté, puis auprès du jeune médecin, des causes du phénomène : « J’espère que Jean-Eude, par sa profession et ses connaissances pourra très prochainement me ‘concocter’ une explication plausible à ce phénomène que ‘je ne m’explique pas’ et qui me hante désormais ». Le roman s’ouvre alors progressivement à de nombreuses péripéties créatrices d’un tempo dynamique et allègre.
La maladie du Torquemalunn circus aigu
Les individus marchant à reculons (en réalité seules de rares personnes hypersensibles capables de percevoir le négatif de ces êtres les voient marcher à reculons : « (…) j’aurais donc un don du à mon hypersensiblilité !? ») sont en fait atteints de la « maladie du Torquemalunn circus aigu (qui) perturb(e) et corromp(t) le bon fonctionnement des relations humaines ». Cette maladie à l’origine de dysharmonies relationnelles, de dysfonctionnements, de violences, nuit aux hommes et aux sociétés : « cette maladie maligne pourrissant et infectant toujours plus les sociétés par la mutiplicité grandissante des cas… ». Philanthrope, humaniste, Mathias décide de sauver l’humanité : les Terriens puis les Séléniens ! Soigner les travers humains, « pourrait avoir de grands résultats au niveau mondial et faire faire un grand pas à l’humanité dans ‘le vivre ensemble’ « . Mathias a confiance en la science susceptible, selon lui, de résoudre les problèmes de l’humanité : « Nous en sommes tous convaincus autour de cette table, l’avenir de nos sociétés sera sauvé par la science ». La science serait vectrice du progrès moral de l’homme aux comportements plus que discutables. En l’occurrence, Mathias montre que l’Institution scolaire avec une vision utilitariste de l’éducation priorise des objectifs économiques et administratifs plutôt que l’épanouissement des élèves. Le directeur de son établissement demande que « les classes soient numériquement identiques » pour la rentrée scolaire. De ce fait, il est impératif de respecter des quotas. Peu importe que l’élève ayant choisi la section menuiserie se retrouve en section boucherie ! Mathias, révolté, révèle sa vision pessimiste de l’être humain dont il souhaite l’amélioration : « Il faudrait que l’être humain soit au moins, charitablement, au niveau de l’animal« . Il croit toutefois en la possibilité de rendre les Hommes meilleurs et, personnage idéaliste, il déploiera tous les moyens nécessaires pour accomplir son objectif.
Du réalisme au fantastique et à la science-fiction
Dans tout le roman, Mathias s’implique dans une narration à la première personne du singulier. Au début, des repères spatio-temporels précis ancrent fortement l’histoire dans le réel. Les nombreux personnages attachants, esquissés en quelques traits simples, dont les portraits et les actions sont complétés par des croquis et des rendus visuels stylisés quelque peu enfantins, tracés au crayon à papier en noir et blanc, plongent le lecteur dans la vie quotidienne ordinaire de Mathias. Puis, progressivement, le texte déraille. La surprenante référence à la marche à reculons, suivie par l’évocation de la maladie du Torqué et l’introduction de nouvelles technologies médicales font basculer le récit dans le fantastique. Le narrateur tisse le vocabulaire scientifique et technique (« système limbique ou mammalien », « cerveau ancestral reptilien »…) et le lexique courant ou familier et humoristique : « justine a tout simplement ‘un petit vélo’ dans la tête « ,(…) la maladie du dingo, ainsi que celle du marteau ». Il crée des mots pour nommer de nouvelles capacités psychiques (« Le don de clairvoyance aiguë de Mathias, scientifiquement appelé la ‘pénétrantacéré ») et de nouvelles technologies comme le « guéridromos », le « cosmo-Bus »… Ce lexique original prépare le lecteur à un voyage hors du commun. A la fin de l’ouvrage, Martin Bonnot-Rival l’embarque dans un périple interplanétaire. En effet, Mathias souhaite la guérison non seulement des Terriens, mais aussi des Séléniens atteints des mêmes maux. Notre héros atteindra-t-il son objectif ? C’est ce que le lecteur découvrira dans le deuxième tome.
Mathias et le jeu des 7 erreurs est un ouvrage science-fictionnel, fantastique, visionnaire porté par le rêve idéaliste de son protagoniste qui accorde toute sa confiance au progrès scientifique. Ce court roman porteur de messages positifs, facile à lire, plaira aux adolescents et aux jeunes adultes.
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