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L’île du bout des rêves

3/10/2007 | Livres | 0 commentaires

L’île du bout des rêves
Louis-Philippe Dalembert
Le Serpent à plumes, Collection motifs, 2007

(par Annie Forest-Abou Mansour)

plum.JPGAprès Rue du Faubourg Saint-Denis, Les dieux voyagent la nuit, le dernier roman de Louis-Philippe Dalembert, tissé d’humour (« Je me laissai emporter avec la légèreté du cocu signant son deuxième acte de mariage ») et de poésie (« un clair-obscur nimbait, léger, magique, la face des choses ») emporte le lecteur dans un univers d’aventures aux nombreux rebondissements.

Sans patrie, sans famille, « partout à l’étranger et partout chez (lui) », le narrateur voyage de pays en pays, de « chambre d’hôtel en chambre d’hôte ». Un soir, dans un bar de Santiago de Cuba, il rencontre JMF, un écrivain rocambolesque à la verve prolixe. « Son sens de l’humour, sa capacité à tenir son interlocuteur scotché à ses lèvres » le séduisent. Il s’embarque alors avec lui, à la recherche du trésor caché par Pauline Bonaparte, soeur de Napoléon, sur l’île de la Tortue. S’ensuivent différentes aventures savoureuses.

L’île du bout des rêves possède tous les ingrédients du roman d’aventures : la chasse aux trésor, les personnages extravagants, les femmes, jeunes, belles et sensuelles, les rasades de rhum… L’auteur produit même une véritable épopée lorsqu’il narre « la bataille des vents et des courants contraires venus d’un même élan de l’Atlantique et de la mer Caraïbe » : « Le vent d’Est jaloux des prouesses de son confrère » part à l’assaut du voilier. Les champs lexicaux de la violence, de la bataille, les hyperboles, les phrases amples au souffle pneumatique, (« il en sortait un étrange sifflement, celui de l’air vrillant, tournoyant sur lui-même, s’arrachant à des obstacles tant visibles, les voiles, qu’invisibles, puis repartant telle une fusée…. ») contribuent à créer un effet d’ampleur et de puissance. Mais sous une apparente légèreté insouciante et rieuse, des questions sérieuses sur le sens de la vie, de l’amour, de la politique, sur la quête du moi, sont soulevées. Et parmi les nombreux monologues intérieurs où le narrateur se tutoie et s’interpelle (« Et mec ! »), le substrat autobiographique émerge. Souvent Louis-Philippe Dalembert évoque « grannie », sa grand- mère tendrement aimée, cette absente intensément présente dans maints ouvrages.

 Le lecteur aime à s’embarquer dans le monde chatoyant, cadencé et allègre de Louis-Philippe Dalembert. Il goûte le renouvellement des clichés («(Ils) changent d’opinion comme de casaque»), les métaphores concrètes, pittoresques et significatives (« la tête aussi grosse qu’une calebasse », « l’ogre étoilé »), les nombreux clins d’oeil poétiques (« Mais le temps hélas n’avait pas suspendu son vol ».), bibliques (« la période des vaches grasses », « « les coups de tonnerre si fracassant qu’on aurait cru les trompettes du Jugements dernier »…), musicaux (« Comandante Che Guevara »). Il apprécie non seulement l’écrivain subtil, compétent et cultivé, mais aussi l’homme, qui derrière la fiction, révèle son ouverture d’esprit.

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