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Lettre à pépé Charles

15/06/2013 | Livres, Livres jeunesse | 0 commentaires

 

Lettre à pépé Charles        
Annette Lellouche      
A5 éditions  (mars 2013)

 

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

 

   pépé charles image.png Le début du roman Lettre à pépé Charles d’ Annette Lellouche s’ouvre sur le réveil de pépé Charles (dont nous avons déjà fait la connaissance dans Gustave) avant de s’engager dans une longue rétrospective évoquant ses souvenirs proches, sa rencontre lors de la fête du village avec Simon, son petit fils : « Simon, son petit-fils, cet inconnu : (…) il est grand-père » et ses souvenirs  lointains : l’arrivée de sa future épouse, « cette jeune femme Noëlle, arrivant chez lui, par une belle journée d’été », son enfance, son amitié avec Berthe, voisine et compagne des bons et mauvais jours, amoureuse de lui depuis toujours. La solidarité entre eux leur a permis de faire face à l’adversité de la vie.  Le sens de l’humour de pépé Charles  a, de surcroît, aidé  ce dernier à supporter les tragédies qui ont détruit sa famille et son destin. 
    Une lettre de Simon va bouleverser  positivement  son existence  et celle de Berthe. Le grand père et le petit-fils rêvent chacun de leur côté de se retrouver.  Très vite, le texte se construit autour de ces moments d’attente : attente de l’adresse de Simon, attente de la lettre du grand-père…  Les champs lexicaux disent l’émotion de pépé Charles, (« Ses mains tremblent. Ses yeux s’embuent. Sa gorge se noue. Ses mâchoires contractées émettent un son bizarre, comme un grincement de dents »), son impatience, (« Charles ne sait pas trop si c’est l’angoisse, la gêne ou la température ambiante qui le  fait transpirer »), celle de Simon.  Non seulement le texte se donne comme attente, mais aussi comme suspens avec les recherches effectuées par pépé Charles : « L’angoisse a mué notre pépé Charles en détective privé »), l’enlèvement de Simon… Le roman est enraciné dans une réalité où s’enclenche progressivement tout un suspens. Le lecteur assiste alors à  une série de péripéties qui aboutissent  heureusement au bonheur final de ces êtres simples qui triomphent des difficultés de la vie.

    Comme dans Gustave,  Annette Lellouche peint les activités banales mais émouvantes de pépé Charles dans son paisible village à la vie monotone : « Ici les nouvelles sont si rares ».  Le récit et les monologues intérieurs s’ancrent dans le réel, donnant à voir la beauté du rustique village provençal : « Il traverse le vieux village qui respire la tradition des terrains cultivés. Les oliviers s’étendent à perte de vue, tout comme les arbres fruitiers, agrumes et autres. Les jardins embaument toujours autant les narines des promeneurs. Tendresse jusqu’à l’ivresse ». Cette  beauté est concrétisée par l’allitération  caressante en « s ». La narratrice propose toute une série de scènes prises sur le vif sur le ton de la tendresse et de la complicité comme le prouve le pronom possessif incluant  le narrateur et le lecteur :  « notre pépé Charles ». L’impression d’authenticité naît du réalisme minutieux des portraits physiques et moraux, d’expressions familières qui introduisent une sorte d’oralité rappelant le langage des ruraux. La transcription des pensées de pépé Charles, de Berthe en une sorte de monologue intérieur donne vie au récit faisant exister  leurs émotions.

    Dans la  Lettre à Pépé Charles, suite au précédent ouvrage, Gustave,  à  la faveur d’une écriture limpide et esthétique, Annette Lellouche transforme des événements banals du  quotidien en un ouvrage émouvant. Il s’agit d’un roman touchant où circulent l’Amour (« Peut-on rattraper le temps perdu ? Peut-on obliger le partage de ses passions juste par amour ? oui,   Pépé Charles en est persuadé »), l’amour de l’Autre, de la vie,  des animaux  et l’empathie. L’ouverture d’Annette Lellouche à la multi culturalité, à la différence : « là-bas disait-il, c’est une grande famille multicolore. Avec les copains on faisait toutes les religions. Pour ramadan on mangeait les gâteaux au miel très sucrés, pour Pâques , c’était les galettes azymes dures comme de la pierre et à la Chandeleur les crêpes de maman », sa vision positive de la religion dans son sens véritable, étymologique (« religare » c’est-à-dire « relier »), sa recherche du dialogue (« Leur orgueil réciproque les éloigne l’un de l’autre alors qu’il suffirait d’un mot, d’un geste pour aplanir toutes leur difficultés »), son humour : « il parlait de canne et de bière » à propos de Marseille et de ses environs, transforme ce roman en un apologue, évoquant Voltaire, l’ironie grinçante de ce dernier en moins.  Plaisant et agréable à lire, le suspens incitant de surcroît le lecteur à poursuivre avidement  sa lecture, la  Lettre à Pépé Charles est, comme Gustave,  une magnifique leçon de vie pour les petits et  les grands.  

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