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Les Femmes du bus 678

15/06/2012 | Cinéma | 2 commentaires

 

Les Femmes du bus 678    
Réalisé par Mohamed Diab
Produit en Egypte      
Sorti en France en mai 2012
Avec Nelly Karim, Nahed El Sebai, Omar El Saeed…

 

 

 

(Par Elias Abou-Mansour)

 

 

 

 image films bus.jpg   Dans son film Les Femmes du bus 678, Mohamed Diab, le réalisateur,  aborde un sujet tabou et sensible en Egypte et dans le monde arabe : le harcèlement sexuel qui sévit dans des sociétés conservatrices, traditionnelles et religieuses. Avec Les Femmes du bus 678, Mohamed Diab signe un film engagé en comprenant les femmes du  Caire, victimes de ce type  de harcèlement. Il dénonce, avec éclat, les vices et  les maux de la société égyptienne où les femmes victimes du machisme subissant des attouchements  dans les lieux publics,  se murent dans le silence, l’humiliation, la honte. Dans cette société phallocrate, la femme, niée en tant que telle, est considérée comme un simple objet sexuel, responsable du désir des hommes. Seul l’honneur de la famille importe. Par conséquent, l’agresseur reste impuni.
Ce film, où Mohamed Diab brosse le portrait de trois femmes, exprime un cri de douleur qui se mue vite en une volonté de culbuter la domination masculine.

 

    Seba est une femme issue d’un milieu aisé, mariée à  un médecin.  Parce qu’elle est agressée sexuellement, son mari se sent souillé.  En effet, la femme  victime devient coupable.
Nelly, une jeune  femme libre, est sauvagement assaillie par un conducteur de voiture. Déterminée, soutenue par son fiancé, elle porte plainte pour harcèlement sexuel. Cependant, la police, la justice n’entendent pas la plaignante.
La troisième femme, Fayza,  est une mère de famille, de milieu modeste. Fonctionnaire, contrainte à prendre quotidiennement le bus, elle est constamment harcelée. Elle réplique par la grève de l’amour et châtie ses agresseurs à coups d’épingle à cheveux.
Ces trois femmes révoltées rejettent, chacune à leur manière, la victimisation et la soumission. Cette révolte féminine enrichit le message du film.  Elle secoue une société où prédominent  la misère, le chômage, la corruption et la domination masculine. Bien que la fiction soit ancrée dans le réel, le film de Mohamed Diab n’est ni  documentaire, ni   didactique. Il montre une société égyptienne dominée par le machisme et le sexisme, reflet du monde arabe où le crime d’honneur est commis sans impunité.  La démarche du réalisateur, qui aspire au changement et à la parité entre les hommes et les femmes, est très courageuse.
La société égyptienne est actuellement en pleine mutation. Il ne peut exister de démocratie sans parité. La modernité de la société arabe passe par le respect et la liberté de la femme. Et c’est ce qui fait la richesse et l’originalité de ce film qui explique à la fin  qu’à partir de 2008 à la faveur des révoltes féminines le harcèlement est enfin puni par la loi. Malheureusement, encore beaucoup de femmes sont contraintes au silence.

 

     Un film à voir surtout en version originale car le dialecte égyptien recèle toute une  agréable musicalité.

 

2 Commentaires

  1. BOURJAS

    Excellent!
    Une note d’espoir, à la fin quand le commissaire de police se retrouve avec son dernier enfant, une fille, dans et sur les bras!!!

  2. jramage

    bonjour,
    malheureusement, nous ne sommes pas tous arabophones mon cher Elias, donc nous ne pourrons savourer les subtilités de la langue pour apprécier ce texte : c’est bien dommage.
    Plus sérieusement, tu évoques une société égyptienne « en pleine mutation » ; or, lorsqu’on pense à une mutation, on pense très souvent à des aménagements positifs au sein de la société, à une plus grande liberté de pensée et d’action, à un accès plus facile aux ressources et aux biens de consommation, à la possibilité pour tout un chacun de recevoir les soins et l’éducation que l’on peut supposer d’une société sur la voie de progrès.
    Or,de quoi va bien pouvoir accoucher la société égyptienne au terme de ses balbutiments, de quelle mutation s’agit-il ? Il y a fort à craindre – comme semblent l’attester les événements actuels – que cette société ne se radicalise dans ses fondamentaux religieux qui ancrent une dichotomie tragique : un statut supérieur pour l’homme et inférieur pour la femme.Nous sommes loin de la parité dont rêve l’auteur…
    Au-delà de ce constat pessimiste, il y a une question fort intéressante à se poser : pourquoi le machisme persiste-t-il dans ces sociétés, en d’autres termes, quels enjeux président au maintien de l’asservissement de la femme ?
    Mon cher Elias, aurais-tu un début de réponse à cette question très complexe ?
    Merci pour cette chronique bien menée.