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Le théâtre contestataire

22/02/2018 | Livres | 0 commentaires

Le théâtre contestataire
Mathilde Arrigoni
Les Presses de Sciences Po
Collection « Contester » (2017)

 (Par Annie Forest-Abou Mansour)

 

  Image théâtre contestataiire.jpg Tricotant les lectures sociologiques, politiques, théâtrales, littéraires,  Mathilde Arrigoni, dans Le théâtre contestaire, étudie les rapports qu’entretient le théâtre avec le pouvoir.

    Dans un travail de recherche solide, rigoureux, bien argumenté,  qui constitue un extraordinaire gisement documentaire, Mathilde Arrigoni, professeure agrégée, docteure en sciences politiques,  après « une formation professionnelle d’actrice au Conservatoire et un rapide passage en Centre dramatique national »  se demande si le théâtre « a (…) toujours eu (…) fonction de trublion, d’agitateur des consciences, dans l’espace public ». Pour répondre  à cette problématique,   dans une étude diachronique exigeante, elle présente l’histoire du théâtre en remontant à la Grèce antique. Elle analyse les enjeux de ce genre,  puis établit la différence entre le théâtre contestataire et le théâtre militant.

     Mathilde Arrigoni  se livre  à un examen des  conditions d’existence du théâtre : les différents lieux de représentation (« Le mystère investit la ville : des scènes circulaires ou linéaires prennent possession des places publiques ou, plus rarement, de cours de maison »), le jeu des acteurs, leur rôle, la mise en scène, ses fonctions, les différents types de compagnies théâtrales…

     Partant de la naissance du théâtre,  Matilde Arrigoni analyse de façon très nuancée et approfondie chaque époque pour arriver au théâtre du XXe siècle. Dans la Grèce antique, « le théâtre sait remettre le pouvoir en question et le critiquer, en ironisant sur la conduite des dirigeants, en suscitant le rire des foules ». Mais dès sa création, le théâtre subit la censure.  Reposant « sur une interaction (…) avec le public », il constitue en effet un danger pour le pouvoir en place. C’est pourquoi le pouvoir le réglemente strictement.  Au Moyen Age, dans l’Occident chrétien, le théâtre conforte le pouvoir établi mais aussi le pouvoir religieux. Mathilde Arrigoni explique  que  « le pouvoir  encadre le théâtre (…) utilise aussi ses techniques pour affirmer sa suprématie ».    A partir des années 1960, en France, le théâtre se démocratise. Jean Vilar souhaite ouvrir les salles de théâtre à tous et n’hésite pas à faire passer des messages politiques : « Le TNP de Jean Vilar fonctionne donc à la fois comme une entreprise d’éducation populaire et comme un lieu de contestation politique marqué à gauche – ce qui lui vaudra quelques critiques de certains ministres en place, qui l’accusent de faire le jeu du communisme ». La place accordée à la culture populaire s’étend alors. 

    Mathilde Arrigoni propose de nombreux exemples de pièces de théâtre que ce soit en France ou à l’étranger, essentiellement en Amérique latine dans des régimes autoritaires comme le Chili de Pinochet. Tous ces exemples commentés, analysés avec précision, lui permettent d’établir la différence entre le théâtre contestataire et le théâtre militant. Le théâtre contestataire, « situé  à l’avant-garde de la création », loin d’être un théâtre commercial,  défend en filigrane une cause politique « privilégiant l’esthétique par rapport à l’idéologie ». Il cherche à déstabiliser les spectateurs. Le théâtre militant quant à lui défend ouvertement une cause. Puis, après ces différentes analyses, à la fin de l’ouvrage, l’auteure appréhende la question des intermittents du spectacle.

    Dans un  ouvrage rigoureux qui fait avancer la recherche, Mathilde Arrigoni  propose de nombreuses définitions concernant le théâtre. Se fondant avec pertinence sur des études de spécialistes faisant autorité, elle cerne l’ensemble du genre théâtral, ses multiples aspects, ses différentes fonctions, son évolution liée à l’Histoire, aux diverses formes sociales, politiques, au contexte idéologique dans lequel évoluent les acteurs, les metteurs en scène, le public. La lecture de ce riche ouvrage propose un apport de connaissances très utiles  à des universitaires, des étudiants, des lycéens, des enseignants et même des néophytes,  amateurs de théâtre ou simplement lecteurs curieux. 

 

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Une miniature délicate  singulière, émouvante  à l’écriture poétique, enchanteresse  et flamboyante : Anselme

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