Le bon côté d’un cercle
Philippe Sauvageot
Editions Baudelaire (2022)
(Par Annie Forest-Abou Mansour)
Une fois l’âge de la retraite atteint, Philippe Sauvageot, spécialiste dans les affaires internationales, peut enfin réaliser son rêve de toujours : devenir écrivain. En 2021, sa première création, – un roman d’amour vibrant et tendre _ , Les arcanes de l’amour (1), paraît. Désormais il propose à son lectorat un second ouvrage, Le bon côté d’un cercle.
Un roman réaliste
Située entre le Nord de la France et la Saône-et-Loire, l’intrigue de ce deuxième roman, un roman réaliste, est ancrée dans les nombreux problèmes des années 2020 bouleversées par le coronavirus, le confinement, le « soulèvement éruptif des Gilets jaunes ». Il renvoie à des lieux, des situations et des faits réels, à des hommes politiques connus : « A la télévision Christophe Castaner, le ministre de l’Intérieur et Edouard Philippe le premier ministre parlent comme les médecins urgentistes, virologues, anesthésistes, qui sont invités à chaque émission d’information, pour dire de ne pas relâcher la garde ». Cet ouvrage dense, aux nombreux aller-retour entre le présent et le passé présente une multitude de personnages aux portraits physiques et moraux tracés avec précision. Il s’ouvre sur un compte-rendu de jugement en appel évoquant les actes de pédophilie de Raymond Waneck sur Sabrina, une fillette que son épouse et lui avaient hébergée durant une nuit. Le point de vue donné est celui de la femme, Gisèle, qui ne saisit toujours pas vraiment la gravité des faits lorsqu’elle lit le compte-rendu. Son mari et elle, appartenant à un milieu défavorisé, êtres instables, limités intellectuellement et moralement, ont deux garçons. Quelques années après le procès, en mars 1985, ils donnent naissance à une petite fille Elisabeth alors qu’ils ne voulaient surtout pas une fille : « Les filles, elle voyait bien que ça n’apportait que des ennuis ». Un couple de leurs amis, Bernard et Nicole Fleuriot, proposent de s’occuper du nourrisson qu’ils élèveront avec beaucoup d’amour et de tendresse. Cette famille d’adoption apporte stabilité et affection à Elisabeth. Mais elle est hantée par son passé inconnu, « cette partie de (sa) vie qui (lui) a été arrachée », ses parents de sang dont elle ignore tout. Les non-dits, l’absence de souvenirs avec sa famille biologique créent en elle un sentiment d’insécurité, d’angoisse, se répercutent sur son estime de soi, perturbant son adolescence et sa vie d’adulte. Elle veut appréhender les raisons de son abandon. Elle cherche son identité, ne sachant pas vraiment qui elle est : Elisabeth Fleuriot ou Elisabeth Waneck ?
Différents points de vue
Les instances narratives, les points de vue varient dans Le bon côté du cercle. Très vite, après un récit à la troisième personne du singulier, c’est surtout Elisabeth, âgée désormais de trente-cinq ans, qui prend en charge la narration, devenant ainsi le sujet énonciateur. Elle raconte son vécu présent et passé, ses ressentis, ses états d’âme, évoque ses souvenirs. Le roman devient vite fiction autobiographique.
Le rôle de l’art
Mariée, mère de famille, Elisabeth est ATSEM dans une école maternelle. Son couple qui, croyait-elle, devait lui apporter la paix intérieure commence à s’essouffler. Heureusement l’art lui ouvre des horizons. En effet, « la grande passion de sa vie depuis qu’elle est petite » est la photographie. Elisabeth photographie et peint avec beaucoup de talent. L’esthétique de ses productions étonne. Elle ôte le voile de l’habitude qui recouvre le réel et le ternit : « Ceux qui aimaient mon ‘travail ‘ (…) disaient que je n’avais pas mon pareil pour prendre sous un angle nouveau un paysage, un quartier de Lille, un détail de monument, une scène de vie…. Ce que chaque Lillois pensait connaître depuis toujours, il le redécouvrait avec mes yeux ! ». Par son savoir-faire, elle renouvelle la vision du réel. Comme elle met en ligne ses productions, un organisateur d’expositions rencontré sur Facebook reconnaît son talent et lui propose d’exposer ses « oeuvres », mot qui « l’a fait rougir de pudeur et suffoquer de bonheur ». Elisabeth acquiert progressivement confiance en elle. Grâce à l’art, elle retrouve aussi un demi-frère qui, comme elle, a « beaucoup de choses sur l’estomac, lourdes à digérer » et qui trouve « dans les activités artistiques un exutoire, une extériorisation de son malaise ». Elle qui a toujours été « prisonnière du cercle de (sa) vie » va enfin se réconcilier avec elle-même et se placer du bon côté du cercle, d’où le titre de l’ouvrage.
Un ouvrage sur la quête des origines
Avec délicatesse et compréhension, Philippe Sauvageot évoque dans cet ouvrage sur la quête des origines, sur le passé inconnu obsédant, l’univers des enfants abandonnés, leur vécu, leur ressenti, leurs troubles affectifs, le traumatisme de l’abandon persistant souvent même chez ceux qui ont été adoptés par des familles aimantes. Connaître son passé est primordial pour savoir non seulement d’où l’on vient mais aussi qui l’on est. Le bon côté d’un cercle est un ouvrage sans prétention, attachant, facile à lire, s’ouvrant à la fin sur une note d’espoir salutaire.
Grand merci, Madame, pour votre analyse de mon roman, aussi bien de son thème que de son style narratif. J’ai le sentiment que vous comprenez parfaitement ce qui m’anime, et vous savez le décrire mieux que je ne saurais le faire moi-même. J’aime mon héroïne et mes personnages en général, et à lire votre retour positif je crois que cela se sent.
Votre conclusion me fait grand plaisir puisqu’elle résume parfaitement les difficultés d’Elisabeth à se situer dans la vie et les raisons de ses tourments. La façon dont vous qualifiez le roman, « sans prétention, attachant, facile à lire », me plaît et je suis confiant qu’elle ôtera l’appréhension du lecteur devant ce thème de la recherche d’identité. Le lecteur, qui fait vivre à Elisabeth la suite de l’aventure selon sa sensibilité, saura choisir son bon côté du cercle.
Cher Philippe Sauvageot.
Merci pour votre beau commentaire et pour avoir donné naissance au personnage d’Elisabeth. Cette jeune femme est d’autant plus émouvante qu’elle renvoie à de nombreux cas réels.
A bientôt avec un prochain roman.
Bien amicalement.