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La colombe et le chagrin

8/12/2024 | Livres | 1 commentaire

La Colombe et le chagrin
Philippe Sauvageot
Editions Baudelaire (2024)
(Par Annie Forest-Abou Mansour)

La colombe et le chagrin
Petit village, ciel bleu azur et oiseaux noirs
Vue du pont et des quais de Tournus
église St-Philibert et sur la ville. 
Quai de Verdun
71700 Tournus  Un roman réaliste et psychologique

 La Colombe et le chagrin, le nouvel ouvrage de Philippe Sauvageot après Les arcanes de l’amour et Le bon côté du cercle, s’intéresse à l’existence d’une femme, Béatrice Magnien, et de son entourage.

 Créant d’emblée un effet de réel, la narration in medias res à la première personne du singulier, permet au lecteur de découvrir  dès l’incipit le monologue intérieur de la « jeune institutrice, tout juste bachelière », confrontée à un inspecteur de l’Education Nationale, Jean Desvignes. Cet homme autoritaire et manipulateur qui inspire la peur dans l’Institution scolaire s’impose et établit un ton qui préfigure un autre personnage masculin du récit : Jacques le futur mari de Béatrice, fils de l’inspecteur, figure paternelle omnipotente aussi nocive pour son fils que pour les enseignants. Jacques « construit en opposition à son père », « terrorisé par lui » conservera toute sa vie une vulnérabilité psychologique et, inconsciemment, se vengera sur son épouse « pour prouver à son père  que lui était réellement un homme fort ». La jeune femme est alors un enjeu dans la « lutte secrète entre le père et le fils ». Tout le processus de l’emprise du pervers et des conséquences sur sa proie progressivement dévalorisée est décrit avec rigueur, mais aussi bienveillance et compréhension au fil des pages. D’abord les sautes d’humeur du mari, sa jalousie puis ses disputes, sa violence entraînant la progressive désagrégation du couple, malgré tous les efforts de la jeune femme pour le sauver. L’être et le paraître s’opposent chez Jacques. Possédant un double visage : aimable et séduisant en société, il est tyrannique dans l’intimité. Son comportement alterne entre des phases aimantes  (Après une brutale querelle, Jacques fait livrer à son épouse « un énorme bouquet de roses rouges. Une trentaine de fleurs, symbole de l’amour » (…) et «au milieu du bouquet, enfilée sur une tige, une bague splendide rubis et diamants  ») et des phases violentes déstabilisant de plus en plus Béatrice : « Jacques continuait à souffler le chaud et le froid ». Il culpabilise son épouse, l’accusant d’être la cause de sa violence. Ne se sentant ni ne se voyant coupable, il fait retomber la faute et l’opprobre sur elle. Graduellement isolée, fragilisée, humiliée, violée, manipulée par un mari qui exerce sur elle une forte emprise,  Béatrice perd toute confiance en elle. Démoralisée, elle s’adonne à l’alcool,  « J’ai commencé à boire plus que de raison. L’alcool me faisait du bien », ce qui lui permet de supporter les brutales provocations de son mari. L’écrivain pénètre les pensées, les émotions de la jeune femme avec finesse, profondeur et psychologie. Personnage complexe en proie au doute, la narratrice évolue progressivement dans le roman. Et de personnel, son cas accède au général. Derrière son portrait précis, nuancé, abouti, émergent toutes les victimes des manipulateurs. Béatrice représente les femmes maltraitées.

 Un entrecroisement d’intrigues

 Dans une narration introspective, analysant ses sentiments, ses ressentis, Béatrice se confie simplement, sincèrement, dans une volonté de comprendre son vécu. Se tisse à sa malheureuse histoire intime le récit de sa passion pour la colombophilieDeux intrigues s’entremêlent.  En effet, La Colombe et le chagrin n’est pas seulement le roman d’une femme sous emprise, Béatrice, paisible colombe brimée et brisée, c’est aussi un roman sur l’art d’élever des pigeons et de les faire concourir.  La narratrice fait partager au lecteur sa passion et son expérience. L’univers lumineux et heureux des pigeons voyageurs, charmants volatiles sportifs, endurants, fidèles en amour (contrairement à Jacques !) est décrit avec précision. Il constitue une part importante de l’existence de la narratrice et du roman comme le soulignent les titres des parties où se répète le substantif « aile », symbole de la liberté et de l’envol vers un ailleurs. Malgré toutes ses difficultés, Béatrice reste tournée vers la vie, la confiance et la joie.

Puis le roman de l’intimité et de la colombophilie devient polar. Le tempo s’accélère alors plongeant le lecteur dans l’action et le suspense avec de nombreux rebondissements et péripéties imprévus.

Un roman multiple

La Colombe et le chagrin  est un roman multiple : autobiographie fictive, confidences d’une femme malheureuse, roman policier, sociologique et psychologique sur la destruction d’une relation amoureuse et l’emprise d’un pervers sur sa compagne… L’originalité de l’oeuvre réside aussi dans la volonté de renouvellement de l’auteur qui, en tant qu’homme, confie à une femme le rôle de narratrice. Il se met à sa place avec empathie et compréhension.  Ouvert à la différence et à la psychologie de la gente féminine, il évite tout jugement de valeur. Derrière l’auteur, apparaît l’homme sensible, généreux, compréhensif qui avec des mots d’une grande justesse dit les souffrances des femmes violentées, un thème malheureusement d’actualité.

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1 Commentaire

  1. Sauvageot Philippe

    L’auteur que je suis sera le premier à commenter pour adresser toute ma reconnaissance à Annie Forest – Abou Mansour. L’analyse de « La colombe et le chagrin » est remarquable de finesse et je dirais également avec plaisir remarquable de justesse si, étant le premier bénéficiaire des compliments, je n’en étais pas gêné d’autant de bienveillance. L’écritoire des muses publie pour la troisième fois une relation sur mes romans. A chaque livre j’ai l’impression de redécouvrir avec bonheur les sentiments que j’ai voulu transmettre par l’écriture et la joie de recevoir une preuve d’y être parvenu.
    Bravo, et très grand merci, Madame !

    Réponse

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