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Je t’enverrai des fleurs de Damas

10/10/2014 | Livres jeunesse | 2 commentaires

Je t’enverrai des fleurs de Damas      
Franck Andriat   
Editions Mijade (2014)

 

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

 

    Image Damas.jpg Je t’enverrai des fleurs de Damas de Franck Andriat est un roman polyphonique construit sur des pensées qui s’entrecroisent autour d’échanges épistolaires entre Myriam, une adolescente de quinze ans, « intelligente et sensible. Forte et fragile. Un caractère fougueux qui n’a pas peur d’affronter l’orage » et son professeur de français,  surnommé  « Bébé Cougnou » par ses élèves parce qu’il « voit toujours la vie en beau ». Entre ces échanges s’intercalent leurs pensées, celles de groupes d’élèves, d’enseignants, dans l’univers clos d’un collège bouleversé par le départ incompréhensible pour la Syrie de Wassim et d’Othmane, « deux gosses tranquilles, des ados tout ce qu’il y a de plus normal  (…) », «  des ados d’ici, bien intégrés et qui auraient pu trouver sans trop de difficultés une place dans notre société». Le foisonnement des réflexions, des ressentis,  les extraits en exergue du journal de Youssef, permet la multiplication des points de vue concernant ce tragique événement.      
    Les discours consacrés aux débats intérieurs de personnages confrontés à une situation impensable, traumatisante, jugée invraisemblable,  renvoient à la complexité psychologique des adolescents, au danger de l’embrigadement, des manipulations, au rôle joué par des médias  voyeurs qui ne se contentent  pas d’informer, mais qui « veulent faire dire ce qui n’existe pas », aux préjugés religieux,  au racisme (« Petits Beurs, mais pas petits beurres. Tout leur problème est là : même Français depuis plusieurs générations,  les étrangers avec leur tronche bronzée et leur nom d’ailleurs demeurent une tache dans le décor »,) à la notion d’engagement avec les cours de littérature sur Sartre, Malraux, Camus, aux relations enseignants/enseignés, à l’amour entre deux adolescents : Wassim souhaite envoyer des fleurs de Damas à Myriam. Avec le départ des deux jeunes collégiens, « tout à coup, cette guerre étrangère et anonyme est entrée dans (le) cœur et dans (les) famille(s) » des membres du collège.   
    Les deux jeunes garçons, encore des enfants,  partis soi-disant pour défendre la Révolution et la liberté,  sont tombés dans les filets d’intégristes, de fanatiques. L’islam de « tolérance  et de paix » comme le décrit Myriam (« Le vrai djihad, (…) c’est de lutter contre soi-même et de se corriger pour tendre vers Dieu le mieux possible. Avoir une vie tournée vers la lumière et offrir cette lumière aux autres »)  devient une dévotion à la haine, à l’intolérance. Je t’enverrai des fleurs de Damas, œuvre littéraire, est un témoignage loin de la caricature souvent donnée des jeunes de banlieues. Wassim et Othmane, adolescents bien éduqués, appartiennent à de bonnes familles, ouvertes, cultivées : « Ni l’un ni l’autre ne font partie d’une famille intégriste. Des parents ouverts aux autres, à toutes les cultures, un islam de tolérance et de paix ».  Aucun indice dans leur comportement ne laissait présager leur départ.  Ils étaient simplement des jeunes sensibles, soucieux de justice et de solidarité. Wassim appartenait à une association caritative, « distribuait des repas aux pauvres les jours de grands froid ». Des prédateurs ont profité de leur générosité, ont retourné leurs valeurs à leur profit, « avec des idées toutes faites et bien emballées. ». Ces  recruteurs fanatiques « envoient des enfants se faire massacrer à la guerre et ils profitent hypocritement du luxe d’un pays en paix. »       
      L’ouvrage de Franck Andriat défend les valeurs humanistes avec émotion, tendresse, lançant parfois des clins d’œil humoristiques (« Othmane et lui étaient potes sans plus, voisins de banc au cours de mathématiques parce que Chafik n’est pas très fort dans cette branche et qu’Othmane lui offrait chambre avec vue sur ses réponse »), tricotant les niveaux de langue des adultes et  des jeunes avec habileté. Un ouvrage  aux personnages  principaux et secondaires attachants, tous dotés d’une épaisseur psychologique,  à lire pour comprendre notre société et notre époque où règnent la violence mais aussi, ce qui est moins vu,  la tolérance,  l’amour et où la religion peut garder tout son sens : « religare », c’est-à-dire « relier ».

2 Commentaires

  1. Philippe D

    Je viens de terminer ce livre poignant, sérieux, qui pousse à réflexion.
    Ce livre est le 20è que je lis de l’auteur. Il touche un peu à tout.

  2. romain pichon

    Très belle critique, mais cela ne me donne pas envie de lire le livre.