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La tragique réalité de la guerre du Vietnam par Neil Sheehan

8/01/2011 | Livres | 0 commentaires

L’Innocence perdue
Neil  Sheehan
Editions du Seuil, Collection Points Actuels (1990)

 

(Par Joëlle Ramage)

 


innocence.jpgExtraordinaire prouesse littéraire d’un jeune journaliste, à la fois romancier et historien, immergé dans le Vietnam de la guerre, qui nous en fait découvrir les détails les plus minutieux, à travers la vie d’un gradé américain, le lieutenant-colonel John Paul VANN. De ce récit grave et éblouissant qui a requis pas moins de seize années d’enquête, John Le Carré ne dit qu’un mot : « superbe !», en ajoutant : « si vous ne lisez qu’une seule histoire de la guerre du Vietnam, ce doit être celle-là, admirable et exaltante ».

 

L’auteur, Neil SHEEHAN, dit que les recherches qu’il a menées l’ont contraint « à affronter intellectuellement la tragique réalité de la guerre du Vienam » et à constater surtout que l’Amérique ne l’aurait jamais gagnée. En effet, à la faveur des images médiatiques abondamment déversées sur une Amérique médusée par une violence contre la seule paysannerie pauvre des rizières, cette guerre ne pouvait avoir qu’un impact négatif et qu’une issue très incertaine. Neil SHEEHAN dit d’ailleurs que ce fut là la première guerre « négative » de toute l’histoire des Etats-Unis, tant l’arrogance des chefs américains avait supplanté le réalisme. Durant la Seconde Guerre Mondiale il était en effet clair que l’Amérique était en symbiose avec les réalités du terrain et l’objectif. Mais l’après-conflit avait apporté la certitude à la puissante Amérique et à ses chefs militaires, au Pentagone comme à ses services secrets, qu’elle était devenue planétairement indispensable. L’auteur le traduit à sa façon : « nous sommes devenus si riches et si puissants que notre commandement a perdu sa faculté de penser d’une façon créatrice ». Depuis, cette arrogance n’avait fait qu’amplifier et, au Vietnam, il était devenu impensable que les chefs militaires et civils perdent cette guerre.

 

« De ces combats sans héros » comme le dit l’auteur, John Paul VANN avait été l’une des personnalités les plus étonnantes. Fin analyste et stratège, aux terrifiantes zones d’ombre, il avait compris – ce que les Mc Namara, Hatkins, Johnson et autre Kennedy n’ont jamais correctement saisi – que les Vietnamiens se battraient jusqu’au bout, eux qui ont toujours réussi à repousser les envahisseurs, d’où qu’ils viennent, chinois, mongols, mandchous, français et maintenant américains.

 

Cet ouvrage est absolument capital dans la compréhension des mécanismes qui ont conduit à la guerre du Vietnam, mais il donne aussi à comprendre les relations étroites de cette guerre avec la guerre d’Indochine et celle de Corée. François Sergent de ‘Libération’ dit très simplement que « l’auteur raconte VANN, mais aussi le Vietnam, Washington, les politiciens, la presse et l’armée, toute l’Amérique de l’après-guerre ».                                              

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