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Gustave

29/04/2013 | Livres, Livres jeunesse | 0 commentaires

 

Gustave
Annette Lellouche      
A5 Editions (2012)

 

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

 

   Gustave image.jpg Pépé Charles, un ancien cordonnier, a  pour seul confident  et pour unique ami Gustave, un vieux chêne,  « mon meilleur ami c’est lui, mon chêne. Je l’ai d’ailleurs surnommé Gustave, du nom de mon aïeul qui l’a planté. ».  Cet arbre contre lequel il s’adosse chaque jour, décrit avec le champ lexical de l’humain (« corps », « bras », « tête »),   doté d’un nom, d’un passé, d’une vie, est perçu comme un être vivant avec lequel le vieillard communique.  Gustave, témoin discret,  silencieux, loyal : « Il ne parle pas, mais il m’écoute et c’est très important de pouvoir se confier à quelqu’un qui ne te trahira jamais »,  a toujours partagé  les moments joyeux et tristes  de  l’existence du vieillard désormais « rongé de solitude ».     
    Mais le jour de la fête du village, Simon, un garçonnet « ve(nant) juste de fêter ses huit ans »,   s’assied à côté du vieil homme qui se confie à lui tout en lui donnant une leçon de vie. L’ouvrage s’organise alors autour d’une situation traditionnelle dans l’histoire du roman : le face à face entre un sage et un novice,  un vieillard et un jeune être, l’un à la  fin de son existence, l’autre au  début de la sienne. Le vieil homme  raconte  à l’enfant ses souvenirs « venus se fracasser dans sa tête comme la vague qui revient en force sur le bord d’une plage », sa rencontre avec Noëlle, tellement jolie, tellement souriante,  « l’amour de sa vie », la mère de ses enfants,  le bonheur fauché brutalement, (« quand le malheur décide de s’abattre sur quelqu’un, il ne prévient pas ; il est sournois, il fonce sur sa proie, jaloux de son bonheur »,)  le présent douloureux : « Toutes ces rides que tu aperçois là sont arrivées d’un seul coup, comme pour mieux révéler mon triste sort ». Le vieillard délivre un message à l’enfant par la stratégie d’une complicité pleine d’une tendresse bourrue et d’une intense émotion. Il l’entraîne sur le chemin de la réflexion et de la vie en l’interpelant par des questions oratoires (« C’est comme le vent. Est-ce que tu le vois ? Non ! »), des impératifs (« Ecoute », « Observe la beauté majestueuse de la nature »). Gustave  d’Annette Lellouche est une leçon de vie, de tolérance,  dénonçant subtilement le racisme, cette «  peur de l’autre, de l’inconnu », l’incompréhension entre les êtres, l’insuffisance de dialogue.  
     Gustave,  ouvrage attendrissant  à l’écriture limpide et poétique, « La végétation exubérante vibre au son des cigales l’été, grelotte sous le vent violent du mistral trois jours durant puis tout s’apaise et le ciel bleu, paré de son majestueux soleil, fait pâlir d’envie tous les promeneurs venus d’ailleurs », est piqueté  d’humour, « sa démarche (au chat) féline lui donne un air légèrement snob »,  et d’émotion. Solidement construit, ce roman sur la nostalgie d’un passé qui semble à jamais perdu est semé de  discrets indices annonciateurs de la fin. La logique de la narration est celle du souvenir  rythmée par le leitmotiv récurrent « au pied du chêne » qui constitue l’arbre en véritable héros de l’histoire.  
     Les illustrations en noir et blanc réalisées par l’écrivain « à main levée » mettent en scène la narration, petits clins d’œil humoristiques et enfantins, créant tout à la fois une illusion de réel et de jeu. Gustave  peut en effet être lu par des enfants. Il s’appuie sur des concepts exprimés de façon concrète à la faveur, entre autres, de la personnification de l’arbre, de l’humanisation du chat, mais c’est aussi un apologue philosophique destiné aux adultes,  leur  enseignant que la vie belle, fragile et éphémère doit être savourée avec humilité dans ses moindres instants et qu’il faut garder  confiance en elle

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