Franck Courtheoux, un auteur, compositeur, chanteur de génie.
(2014)
(Par Joëlle Ramage)
Pour parler de l’homme et du musicien, le mieux est de regarder les choses en face : auteur, compositeur, orchestrateur de grand talent, arrangeur, Franck Courtheoux est partout. Musicien insatiable, la diversité de son parcours d’exception demeure unique. Assurément, il est l’un des plus précieux mélodistes de la dernière décade, en tout cas l’un des plus authentiques, un créateur original et vrai, tant par son répertoire que par son humanité.
Ses derniers albums « Moan » et « Immersion » donnent un bel aperçu de son éclectisme musical et de son sens de la mélodie. Prenant un bonheur immense à évoquer les nombreux épisodes d’une vie entière placée sous le signe du son, il précise cependant que c’est son enfance douloureuse qui a sans aucun doute été sa première inspiratrice. Les souffrances et le manque auront guidé très tôt son sens émotionnel et initié l’étendue de son répertoire mélodique, né de ses parcours dans les montagnes et dans les chemins chargés de réflexion, dans les pas de son grand-père, poète dans l’âme, aux côtés duquel il apprendra l’ouverture d’esprit, les choses simples de la vie et le sens du partage. Puis c’est à la Brigade des pompiers de Paris, au service des personnes en difficulté, au secours des plus démunis, qu’il effectuera une partie de son parcours professionnel où, selon ses propres termes, il apprendra « le respect de l’Homme et le sens du devoir accompli ». C’est sous une telle bannière d’humanisme que la vie de Franck Courtheoux se déroule, toute sa création musicale étant empreinte de ce même souffle lumineux et altruiste.
Techniquement, ce qui ressort de la musique de Franck Courtheoux c’est avant tout son sens inné de la mélodie qui, le rappelait Vladimir Cosma, est comme « le sujet d’un livre ». Il ne devrait pas y avoir de livre sans sujet comme il ne devrait pas y avoir de musique sans mélodie. Franck a compris, au fil du temps et de son travail acharné, que sans la mélodie, la musique n’est qu’une superposition d’improvisations, pièces sans structure, sans colonne vertébrale. Franck sait injecter là où il faut et quand il faut, des influences fortes et solides dans ses mélodies, inégalables dans leur couleur, dans leur tempo, dans leur phrasé, dans leur rythme, dans leur souffle, dans leur atmosphère, qui confèrent une solide armature à l’ensemble de son oeuvre musicale. Il ne faudrait pas passer à côté de la science harmonique de Franck Courtheoux, qui a également compris, par un long travail musical, que le rapport entre la musique et l’image est une science, qui met en symbiose l’information qui nous arrive, celle à laquelle nous sommes sensibles, celle qui nous interpelle, et qui est pour une grande part véhiculée par le son. L’analyse approfondie des rapports entre musique et image nécessite une parfaite compréhension de chacun des éléments séparés : la mise en scène doit être clairement identifiée et la musique doit, comme un gant, habiller cette image, aussi bien en termes de structure que de langage (tonalité, profils mélodiques, orchestration…). Franck Courtheoux sait que les rapports entre musique et image procèdent d’une tension, d’une imprégnation particulière, celle du pouvoir de séduction. C’est ainsi qu’il devine très tôt l’importance évocatrice de la ligne mélodique ou soupçonne l’importance que celle-ci peut avoir dans un film.
L’un des titres de son album « Immersion » confirme, s’il en était besoin, ce talent de compositeur capable d’associer judicieusement le son et l’image : l’exemple de son œuvre « Cosmic Rebirth », nous fait en effet vivre une expérience inédite, celle qui pourrait s’apparenter à la naissance d’une étoile sur un fond galactique. L’émotion suscitée par les effets sonores est admirablement rendue par une envoûtante ligne mélodique mise en exergue au clavier, sur une orchestration lyrique, qui apporte à l’imagination et aux sens en éveil, plus qu’une image visuelle : un sentiment diffus, une atmosphère chargée, des émotions profondes, des impressions singulières et étranges: « le fond grave des percussions inlassablement scandées revient à la charge, comme pour rappeler que l’infini sidéral est bien là, omniprésent, sans imagination, sans surprise, morne et informe comme peut l’être l’éternité galactique. Au milieu de ce tempo infini et épuisant de platitude et de solitude, les percussions subtiles font penser que l’on traverse un champ d’ondes radio reviennent, apportant une espèce de fulgurance ». Globalement, la musique rend compte d’échelles, de vitesses, de températures et de longueurs d’ondes qui ne sont pas familières au commun des mortels. Il y a dans cette musique un véritable support à la visualisation, que rendent très judicieusement les effets spéciaux de la musique de Franck. Ainsi, l’auteur de « Cosmic Rebirth » développe un art, celui de la musique développementaliste qui donnent naissance aux images (avec effets spéciaux, arrangements et modélisations) et chez lui cet art ne s’explique pas tellement c’est beau. Ce pouvoir de créer une émotion indescriptible, par le son, par la phrase musicale, tout en faisant surgir spontanément l’image idoine derrière la mélodie, Franck le possède de deux manières : intuitivement et par la force du travail accompli, et il serait fort opportun que le monde du cinéma ne passe pas à côté de ce talent- là.
0 commentaires