Fenêtre sur l’Eternité
Joëlle Vincent
Editions Maxou (2013)
(Par Annie Forest-Abou Mansour)
Le titre de l’ouvrage de Joëlle Vincent, Fenêtre sur l’Eternité, pique d’emblée la curiosité du lecteur en l’ouvrant vers l’infini et le surréel. En effet, la fenêtre, élément de communication, accès vers l’ailleurs, emporte ici vers un temps insondable, illimité, absolu.
Pourtant au début, l’histoire racontée est ancrée dans le réel. Elle présente deux lyonnaises unies par « une amitié indéfectible » : Nina, réservée, « sage », « posée », « réfléchie », professeure de Lettres et Léa, qui possède de nombreux points communs avec l’auteure, est une femme « au tempérament original », joyeux, capable « d’inventer sa vie à chaque seconde, la gratifiant de couleurs vives en mettant toujours l’accent sur l’improbable, l’inattendu, le joyeux désordre de l’impromptu ». Elle «exer(ce) ses talents d’écriture dans la publicité ». Afin de panser les maux de Nina consécutifs à un récent divorce, Léa propose une échappée vers Montmartre, le quartier parisien des artistes, des musées, des monuments historiques. Et brusquement, lors de la visite d’un musée, « lorsque Léa pos(e) le pied sur le sol à l’entrée de la bâtisse, elle (a) immédiatement l’intuition d’avoir rendez-vous avec son destin ». L’espace et le temps éclatent donnant une essence magique à l’histoire.
Une fontaine absente, (« C’est fou, en entrant dans le jardin, j’ai eu le sentiment de rentrer chez moi après des années d’errance. D’ailleurs, là devant le portail, il y avait une fontaine ») source de liquidité, permet le passage sur l’autre rive. Léa va alors mener deux vies parallèles : la journée, elle est une femme mariée à un homme très pragmatique, mère de deux fils. La nuit, elle devient un peintre parisien du XIXe siècle, au « corps svelte et délié (…) vêtu d’une redingote, avec pour seule cravate, une lavallière assez impressionnante, taillée dans une étoffe précieuse aux motifs cachemire ». Cette double cohérence devient difficile à vivre pour Léa qui se pose des questions. Les souvenirs, le rêve, la réalité se télescopent. Intuitive, Léa sent des correspondances entre ses rêves et sa vie. Progressivement, elle constate que le rêve en devient même le miroir. Puis ce mélange des temps permet d’accéder à la révélation finale. Le rêve communiquant avec le réel devient lieu de libération : « Ce que cette fenêtre sur l’éternité offrait à voir à Léa était qu’il fallait toujours rester vrai et lucide face aux choses de la vie ».
Fenêtre sur l’Eternité n’est pas simplement un récit fantastique, il fonctionne aussi comme une mise en marche de l’inconscient. Le fantastique se brise par moment pour donner la parole à la parapsychologie, à la psychanalyse. Il peut progressivement être interprété rationnellement par le lecteur. Sous la fantaisie apparente de son texte, Joëlle Vincent propose en effet toute une réflexion sur la vie et sur des vérités psychologiques profondes à propos des hommes, de l’amitié, de l’amour. La fiction se nourrit de la personnalité, de la vie, des goûts (son amour pour « l’ami Brassens ») de Joëlle Vincent. Les nombreuses références à une mort non mort qui hantent ses ouvrages ne révèlent-ils pas une angoisse latente de cette terrible réalité chez cette passionnée de la Vie ?
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