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22/02/2006 | Livres | 0 commentaires

Femmes déportées, Histoires de résilience
Françoise Maffre Castellani
Préface de Boris Cyrulnik

Ed. des Femmes, Antoinette Fouque, 2005

(par Annie Forest-Abou Mansour)

 

Les horreurs de la déportation, des camps de concentration et des génocides de la Seconde Guerre Mondiale hantent toujours l’inconscient collectif occidental. Il est certain que nous ne devons pas oublier parce que, comme l’écrit Pierre Seghers, « les bûchers ne sont jamais éteints et le feu (…) peut reprendre ». Les multiples témoignages qui se recoupent tous favorisent le souvenir. Françoise Maffre Castellani apporte, quant à elle, un éclairage supplémentaire, différent et novateur. En effet, elle analyse le vécu de femmes déportées alors que nous possédons essentiellement des témoignages masculins comme ceux de Primo Lévi, Wladyslaw Szpilman… Et elle les aborde à travers le prisme de la résilience, autrement dit de « cette capacité », observée et décrite par Boris Cyrulnik, « de ne pas se briser (de «rebondir») sous l’effet des pires chocs. »

  Françoise Maffre Castellani narre de façon rigoureuse et méthodique les expériences de six femmes « très différentes par leurs origines, leur formation, leur personnalité ». Et elle explique comment elles ont « survécu à ces traumatismes effroyables (…) grâce à leurs propres ressources, insoupçonnées parfois et souvent insoupçonnables, et grâce aussi à quelques mains tendues ». Comme Boris Cyrulnik dans ses nombreux essais, elle prouve que l’être humain possède en lui une immense capacité à réagir et à poursuivre sa route malgré les pires douleurs. Dans les camps nazis ou au goulag, l’amitié, la solidarité, l’humour, la poésie, qui constituent différentes formes de résiliences, ont aidé et soutenu les prisonnières. Elles ont métamorphosé « la douleur en oeuvre d’art ». Du mal, de l’apocalypse sont nés le courage, la beauté, la vie. Et ces différentes actions ont de surcroît prouvé la vanité de l’image traditionnelle de la femme faible et fragile.

On peut cependant reprocher à l’auteur le préjugé inverse, ténu mais présent, lorsqu’elle évoque « cet amour maternel protecteur qui fait si souvent partie de l’être même des femmes » ou quand elle écrit après avoir parlé des comportements masculins, « je ne crois pas que les femmes soient spontanément plus tolérantes. Mais, tout de même… ». La restriction inachevée est révélatrice d’un préjugé plus ou moins conscient. Or il est dangereux de croire en une nature humaine. Cela présuppose que tout est inscrit dans les cellules et que l’être est défini une fois pour toute, qu’il a une essence, en l’occurrence ici une essence sexuelle. Dans ce cas, il n’a plus de liberté, de libre arbitre. Il est mû par une espèce de fatum intérieur. Mis à part, ce reproche bien anodin, Femmes déportées est un témoignage novateur prouvant l’héroïsme extraordinaire de certaines femmes victimes de l’intolérance durant la première moitié du XXe siècle.

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