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Bulle

29/11/2024 | Livres | 1 commentaire

Bulle
Catherine Mauger-Trouiller
BOD édition (2024)

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

Bulle de Catherine Mauger-Trouiller. Laviese conjugue auprésent. Photo en noir et blanc représentant une petit fille qui regarde en vue plongeante un village Le miroitement coloré de l’instant présent

Bulle, un minuscule recueil de petits récits aux allures de poèmes en prose. La légèreté d’un titre dans sa dénotation et sa connotation. La bulle vacillante sous les souffles de la vie, l’éphémérité, le miroitement coloré de l’instant présent, la plénitude et la vacuité et en même temps la protection, la tendresse. La bulle, une globalité aérienne, le discours d’une jeune femme, prénommée Bulle, à la recherche de ses origines (« Je pars en quête de mes racines »), la métaphore filée de toutes les questions que se pose Catherine Mauger-Trouiller.

La magie de la vie

Bulle, une enfant abandonnée, une jeune fille venue du néant (« Ce que l’on décline habituellement sur son identité, eh bien moi je ne peux rien ajouter, simplement vous confier ce qui est inscrit sur les lignes de mon acte de naissance : ‘néant’ ») se dit à la première personne du singulier. Elle se confie, se questionne, « Qui suis-je ? », « D’où je viens ? », dit son amour de la vie, (« J’aime la vie »), de la nature (« J’aime les arbres »). Son regard allant au-delà de la perception, elle saisit l’imperceptible : « Entre ciel et terre, il est un mystérieux commerce secret ». Dépassant les apparences, elle accède à l’essence de la vie : « Derrière les voiles, derrière les apparences, à notre insu, s’organise la vie. Un certain arrangement des choses, un certain assemblage d’atomes, et soudain un souffle inspirant, inattendu, une harmonie. D’un petit rien ou d’un grand tout, l’âme-joie est là, au rendez-vous».  A la faveur de ses réflexions, elle invite à réfléchir sur la beauté de l’existence, son mystère, son caractère unique et précieux, sa magie. Chaque existence, véritable miracle, résulte d’un parcours unique et difficile : « Des millions de spermatozoïdes partent à la conquête d’un ovule. Un vrai parcours de combattant. Un seul franchit tous les obstacles, un seul va vivre le miracle ! ». La vie est merveille et prodige pour la narratrice et l’écrivaine.

« Par le souffle libéré, la braise sous la cendre est ravivée »

 Du récit réaliste de l’abandon d’une jeune enfant (« Petit enfant fragile un jour abandonné »), le lecteur est invité à une réflexion philosophico-humaniste et poétique. La narration est suivie de deux poèmes,  « Au coeur du désert » et « Dans le jardin cosmique », qui, à travers leurs émouvants versets lyriques aux anaphores lancinantes, révèlent comment la narratrice, face à l’ombre, trouve la force de résister, de désamorcer le mal et d’accéder à la lumière de la vie, portée par un rythme incantatoireTous les thèmes chers à la poétesse s’y retrouvent : la « rose du coeur », l’élévation de l’âme et du coeur, – ce coeur « trésor caché », « un ange tombé du ciel qui ne peut plus voler ? Un ange à libérer ? »-, guidant et protégeant l’esprit pour donner pleinement vie au corps « si fabuleusement construit jusque dans l’infime », l’amour de la Vie et de la nature, la confiance en la Vie : « Et même si par temps d’orage s’amoncellent des nuages, se creusent des ornières, même si par temps desséchant se craquelle la terre, je sais la vie en moi, en toi, en nous, en vous, capable de prodige ». De la réalité parfois sombre, le coeur s’élève vers l’Essentiel et vers la lumière.  La poétesse libère « l’étincelle de lumière prisonnière » avec ses « Paroles de lumière / messagères de la vie »,  permettant aux âmes et aux coeurs de communiquer entre eux à travers l’espace et le temps. Elle projette le lecteur dans une sorte d’extra-temporalité dans des textes où il fait l’expérience de la surnaturalité et de l’éternel.

 Le bonheur de l’écriture

 Des jeux d’échos de sonorités (L’assonance « en » par exemple : « Alors l’ange en émoi s’incline, me prend dans ses bras. L’amour devient rempart (…) »// « Bulle, / c’est léger à porter quand ce néant devient trop pesant, trop encombrant. / S’élever sur un tapis volant, c’est grisant ! (…) »), les rimes intérieures féminines une force vive qui donne élan, chaleureuse, joyeuse et mystérieuse tout à la fois »), palpitations rythmiques, flux musical, concrétisent la douceur, la légèreté. Les anaphores, (« Là, une avancée. / Là, un point d’arrêt. / Là, une station d’écoute. / Là, un rendez-vous fixé »), le temps d’un souffle, moment de suspension dans le discours, créent des pauses le long du chemin de la réflexion. Les mots au fascinant pouvoir, « porteurs de sens et d’ambivalence aussi », s’envolent et pénètrent le coeur des lecteurs. Bonheur d’une écriture sensible qui brûle sans se consumer !

 Une fois de plus, le souffle léger des mots délicats de Catherine Mauger-Trouiller, tournés vers le fugitif, le diaphane, le fluide, entraîne le lecteur dans une profonde réflexion sur le sens et la beauté de la vie.

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