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6 Allée Irène et Joliot Curie

18/03/2023 | Livres | 2 commentaires

6 Allée Irène et Joliot Curie
Hassiba Hamitouche
Les 3 colonnes (2020)

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

6 Allée Irène et Joliot Curie de Hassiba Hamitouche La mise en mots d’une vie

Ecrire pour l’amour des mots, pour remercier la Vie, la famille, les ami (e)s. Ecrire pour ses enfants, pour ne pas être oubliée. Dans une autobiographie au registre lyrique, intitulée 6 Allée Irène et Joliot Curie, Hassiba Hamitouche emporte les lecteurs dans un récit personnel entrecoupé de poèmes, illustré de photographies, immortalisation de sympathiques et émouvants moments de vie.  Empreint de bienveillance, de confiance en l’existence, son texte à la première personne la révèle en toute simplicité, avec sincérité (« J’ai écrit avec tout mon coeur et toute mon âme, J’ai écrit avec sincérité »), la présentant et présentant son entourage, sans porter de jugement, en respectant le pacte de vérité du genre autobiographique : une mise à nu sans sombrer dans l’étalage intime,  des confidences aux lecteurs comme à des amis proches. Hassiba Hamitouche se remémore de nombreux faits, de nombreux événements de sa vie,  son passé acquérant  sous sa plume  une intense présence. La narratrice se souvient de l’enfant qu’elle était : « Je revois cette petite fille souriante qui joue le long du chemin, ramassant des cailloux et les jetant au loin. Je revois ses cheveux en bataille, car elle n’aimait pas être coiffée ». Et elle se rend compte, qu’au fond d’elle-même, elle est toujours cette petite fille éblouie par la beauté du monde et des êtres.

L’immigration et la reconnaissance pour le pays d’adoption

Hassiba Hamitouche quitte à quatre ans l’Algérie où elle est née. Ses parents abandonnent leur pays aimé afin de permettre à leurs enfants d’avoir une vie meilleure : « Un sacrifice de mère pour sa progéniture, pour une vie meilleure, pour la réussite de ses enfants ». En 1989, ils laissent donc leurs belles montagnes de Kabylie pour rejoindre Abdallah,  le grand-père  paternel, « un véritable homme kabyle, robuste, digne, fier, têtu, légèrement machiste », installé dans une grande cité du Val-de-Marne, 6 Allée Irène et Joliot Curie, d’où le titre de l’ouvrage. Une immense tendresse unit la petite fille et l’aïeul, un  homme sage qui lui inculque des leçons de vie. Hassiba Hamitouche relate son vécu dans une  France accueillante et fraternelle (« Il est impossible de ne pas reconnaître l’accueil de la France de toutes ces familles, peut-être sans papier, c’était notre cas et il est vrai que la France nous a tendu les bras »), avec sa  « formidable famille », la naissance de sa petite sœur Linda, ses relations avec ses frères protecteurs,  les déménagements, les années d’école, ses ami(e)s, puis le monde du travail et les collègues. La fillette devient femme et mère de famille. Elle a trente-cinq ans lorsqu’elle publie son recueil à la première de couverture colorée, pleine de fraîcheur,  volontairement enfantine,  dessinée par sa fille douée en dessin : «elle dessinera la première de couverture de ce livre, je veux un dessin enfantin, comme j’aurais pu le réaliser au même âge » .

Un hommage à la Vie

L’ouvrage d’Hassiba Hamitouche est un hommage à la Vie, à son grand-père, à sa famille, à  tous ceux qui l’ont entourée et qui l’entourent encore.  Son discours se tisse à des chapitres comportant des dialogues au style direct pleins de tendresse entre l’enfant et le vieil homme qui ponctue chacune de ses phrases par le groupe nominal  affectueux « mon enfant » («  Aucun doute mon enfant », « La confiance, mon enfant », « quoiqu’il arrive n’oublie jamais qui tu es, mon enfant »…), restituant au présent le passé regretté et inoubliable, le rendant vivant et attendrissant. La structure du recueil où alternent le discours, les commentaires de la narratrice, une lettre à sa mère, des poèmes  et les dialogues de la fillette et de son grand-père suggèrent une intense émotion et un immense amour familial. Tout concourt à mettre en valeur la beauté de la vie et la confiance en l’Autre d’Hassiba Hamitouche.   Son autobiographie est toute entière construite autour de deux figures : la répétition et l’anaphore qui rythment l’ouvrage concrétisant l’émotion de la narratrice et produisant un tempo lyrique lancinant : « Il y avait un vide (…), Il y avait un abîme  (…) Il y avait un gouffre (…) Il y avait tout ça ». Ces procédés rhétoriques insistent sur la forte implication de la narratrice qui use aussi constamment d’un registre laudatif, soulignant toujours le caractère positif de ceux qui l’entourent dans des portraits élogieux où  le vocabulaire mélioratif, les termes hyperboliques, les superlatifs positifs foisonnent,  donnant à voir essentiellement les qualités. La narratrice refuse d’évoquer ceux qui ne sont pas, comme elle les désigne,  de bonnes personnes : « Je ne remercie pas, bien sûr, les mauvaises âmes, comme je les appelle, pour tout le mal que vous avez pu me faire ou faire à ceux que j’aime (…) J’ai délibérément occulté ces personnes de mon histoire ». L’autrice montre la beauté des êtres, de sa vie, de la France, pays d’accueil aimé,  (« Algérienne de coeur, mais Française d’âme »), de sa religion malheureusement défigurée  par le terrorisme. Elle s’adresse à tous ceux qu’elle aime et aussi aux femmes battues. Elle les conseille pour leur donner le courage et la force de résister sans culpabiliser (« et surtout (…) il est impératif de comprendre que toute cette situation n’est aucunement de votre faute. Oubliez toute culpabilité (…) »). Elle rend hommage à toutes les femmes dans le monde actuel peu facile : « Je tiens donc à rendre hommage à toutes les femmes. Il est difficile d’être une femme, de nos jours et à vrai dire depuis toujours ». Heureuse d’être née femme, d’être la personne qu’elle est, elle dit l’égalité des femmes et des hommes, l’égalité de tous les humains de quelque origine, religion qu’ils soient.

L’immigration réussie

Hassiba Hamitouche est une femme fondamentalement humaine et humaniste. Son ouvrage, aisé à lire, est un beau témoignage de l’immigration réussie : d’une jeune femme d’origine algérienne, vraie  citoyenne française, qui bouscule tous les clichés, de ses parents qui ont donné naissance à une fillette rêveuse amoureuse de la lecture, de l’écriture, de la Vie. Cette autobiographie prouve que les chimères d’enfant peuvent devenir réalité, qu’il faut toujours continuer à rêver et surtout oser réaliser ses aspirations : « Tu sais tous ces rêves que tu as oubliés, les plus beaux que tu as abandonnés, les plus extraordinaires que tu as reportés, les plus incroyables que tu as refoulés, tu sais tous ces rêves, il ne faut pas que les rêver, il faut les réaliser de la plus belle, de la plus extraordinaire et de la plus incroyable des manières ».

2 Commentaires

  1. Hamitouche

    « Les cœurs les plus généreux sont ceux auxquels on ne s’attend pas. Quand les battements les plus proches vous déçoivent, les poitrines d’inconnus se soulèvent pour vous porter et vous hisser chaque jour un peu plus au sommet de vous- même. »

    Je vous remercie pour cette critique qui met à l’honneur mon ouvrage et la personne que je suis devenue grâce à ma famille et aux personnes exceptionnelles qui m’entourent. Cela me donne de la force pour poursuivre mon rêve d’écriture… MERCI

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  2. Annie Forest-Abou Mansour

    Merci chère Hassiba pour ce chaleureux message qui révèle la beauté de votre âme.
    Continuez à croire en vos rêves et à les réaliser.

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